Qui n'aime pas Octavia Spencer? De The Help à Hidden Figures, en passant par Fruitvale Station, son caractère droit et intraitable inspire la confiance. L'actrice n'avait pourtant pratiquement jamais défendu un rôle principal au cinéma.
C'était avant Ma, où elle incarne une femme solitaire qui tente d'oublier les traumatismes de son enfance en devenant amie avec un groupe d'adolescents. Elle leur achète de l'alcool et leur prête même son sous-sol pour faire la fête. Évidemment, tout ça est trop beau pour être vrai et ses véritables intentions ne tardent pas à émaner.
La comédienne porte le long métrage sur ses épaules, campant une héroïne complexe qui est à la fois attachante et menaçante. L'interprète module aisément sa prestation, jouant avec un plaisir malsain et même sadique. Pour une fois qu'elle peut être méchante et elle en profite. Le film de genre a toujours été sa tasse de thé - avec notamment Snowpiercer et The Shape of Water - et on ne voit pratiquement qu'elle à l'écran. Cela aide évidemment d'être entouré d'une distribution beaucoup plus faible, dont Juliette Lewis qui ne s'améliore pas au fil des années (la présence d'Allison Janney en chialeuse de service est d'ailleurs une insulte à son immense talent).
Ce n'est toutefois pas suffisant pour rendre l'effort véritablement concluant ou seulement intéressant. En fait, Ma ressemble énormément au récent et décevant Greta de Neil Jordan, où Isabelle Huppert harcelait également une jeune personne. Il y a pratiquement les mêmes invraisemblances, les comportements aberrants des personnages et les fils blancs qui étouffent l'intrigue. Jusqu'à une conclusion ensanglantée qui verse dans l'hystérie et les effets grotesques.
Entre suspense, horreur, drame psychologique, comédie et série B, l'essai refuse de choisir, n'étant rien de tout ça. Aucun de ses leviers émotifs ne fonctionne, alors que la quasi-totalité des frissons tombe à l'eau. Le comble pour une production de la réputée Blumhouse. Devant un scénario particulièrement prévisible qui utilise les erreurs du passé pour expliquer celles du présent, le récit de vengeance façon Carrie ne cesse de s'enliser. Plus rien ne fait de sens et c'est d'autant plus dommage parce que chacune des séquences, importantes au demeurant, ne forment pas un tout cohérent.
La mise en scène guère reluisante de Tate Taylor enfonce encore davantage le clou. Chaque nouveau film qu'il a réalisé depuis The Help est moins intéressant que le précédent. Il y a eu le solide Get on Up, le quelconque The Girl on the Train et maintenant Ma qui ne prend même plus la peine de développer une grammaire cinématographique digne de ce nom. Seuls les choix musicaux égayent par leur efficacité.
Octavia Spencer a beau se démener comme une diablesse dans l'eau bénite, ses efforts s'avèrent vains. Le mal était déjà fait et rien ne pouvait l'arrêter. Entre briller dans un rôle secondaire ou boire la tasse en y tenant la vedette, le choix est facile à faire.