Adapté d'une pièce de théâtre de Martin Thibaudeau, Lucidité passagère s'avère être une chronique honnête de la trentaine. Cet âge que toute une génération vit présentement avec angoisse et une certaine appréhension. Une génération qui a réquisitionné le droit de s'exprimer et qui le fait à travers l'art et les médias, à travers une panoplie de plateformes qui ne cessent de se multiplier. C'est que si on ne voulait pas se tromper à 15 ans, on ne le veut pas davantage à 35 ans, alors que les enjeux sont souvent plus importants. À travers le destin de quatre personnages représentatifs de leur génération et de leur société, le film passe sans arrêt du simple au compliqué - avec un certain talent pour la chose - sans cerner véritablement le ton qui convenait. D'autant qu'il n'échappe pas à un mal tellement fréquent au cinéma (surtout lorsqu'il est adapté d'une oeuvre littéraire ou théâtrale) : ce personnage qui se questionne tout haut et tout seul...
Cinq jeunes trentenaires vivent des instants de lucidité qui les font remettre en question tout leur quotidien. Véronique, sculptrice, aimerait bien trouver un homme qui voudrait d'elle malgré sa MTS. Mathieu, préposé dans un hôpital, se noie dans le travail pour atténuer une douleur du passé. Fred, photographe, essaie de comprendre ce qui plaît réellement aux femmes et Rémi, qui vit en couple, se demande ce qu'il veut vraiment faire de sa vie.
Si certaines de leurs préoccupations sont affreusement stéréotypées, elles demeurent le plus souvent assumées, tendues entre la comédie et le drame. Il n'y a pas cette impression d'anecdote qu'on craignait; au contraire, l'universalité du film est une de ses grandes qualités. Visuellement, le film est efficace et cohérent, malgré que quatre réalisateurs aient travaillé ensemble sur les différentes séquences du film. Toutefois, certaines coïncidences du scénario convainquent difficilement; rencontre impromptue à New York, drame absurde survenu il y plusieurs années... C'est là qu'apparaissent les principaux problèmes puisqu'on perd un peu de la forte impression de véracité qui se dégageait du film.
Certains noeuds dramatiques s'intègrent également mal à l'ensemble, par leur côté trop anodin ou, au contraire, à cause d'une certaine surdramatisation. Si bien qu'on ne sait plus s'il faut rire ou pleurer, s'émouvoir ou s'esclaffer; probablement tout à la fois. Dommage aussi que certains dialogues sonnent faux, malgré l'effort des comédiens et des réalisateurs - ils sont quatre, rappelons-le - pour que l'ensemble se tienne. Un pari très risqué, qui est relevé la plupart du temps.
Les comédiens sont le ciment qui permet au film de tenir, sans leur performance inspirée rien de ces élucubrations n'aurait le même intérêt. Quand le questionnement de l'artiste côtoie celui de l'herpès, on sait qu'on ratisse large. On sous-estime aussi souvent l'impact d'avoir des comédiens relativement peu connus sur la fraîcheur d'un film; la crédibilité s'en voit grandement rehaussée.
Un film empreint d'honnêteté, réalisé avec cohérence et maturité. Cela fait changement de l'improvisation de la prime jeunesse, même si les sujets abordés sont souvent les mêmes. Il faut croire que les choses ne changent que très peu. Ce qu'on remarque, aussi, c'est que les adultes de cette génération - dans Lucidité passagère au moins - refusent systématiquement de se contenter de ce qu'ils ont. Voilà déjà une piste...