Lorsqu'il est réussi, le film de genre en dit long sur l'humain et le monde dans lequel il vit. Ce fut le cas récemment de Personal Shopper, de Get Out et maintenant du plus modeste It Comes at Night.
Après une entrée en matière percutante qui offre une parabole de ce qui va suivre, le long métrage se poursuit comme 10 Cloverfield Lane, The Village et tant d'autres créations qui l'ont précédée. Une menace plane peut-être à l'extérieur, confinant une famille chez eux. Quitter la maison de jour n'est pas nécessairement interdit, mais gare aux intempéries et à ce mystérieux virus. Que fait-on de ces gens en danger qui réclament de l'aide? On est solidaire en les accueillant ou on les rejette par crainte d'être contaminé?
It Comes at Night est vendu comme un drame d'épouvante, un suspense horrifique. La demeure inquiète largement avec toutes ses ombres furtives. Un immense jeu sonore est porté sur l'ambiance et l'atmosphère, accélérant du coup le rythme cardiaque. Il y a bien quelques facilités (les cauchemars récurrents, les sursauts gratuits et parfois dégueux) et des dialogues un brin artificiels, mais l'ensemble est généralement dosé avec intelligence au sein d'une mise en scène sentie et expressive. Si les amateurs de Saw 28 décrocheront devant le manque d'action et de gore, c'est justement ce temps qui s'érode lentement qui créera une tension et qui marquera au fer blanc les admirateurs de The Witch.
Plus que tout, l'effort s'apparente à un véritable drame familial à tendance psychologique, dans la lignée de Take Shelter et Maggie. Comme son précédent et trop peu vu Krisha, le réalisateur et scénariste américain Trey Edward Shults rapproche ses personnages jusqu'à faire éclater leur bulle. Cela donne de grands moments de bonheur, d'harmonie et d'accalmie... et des périodes de troubles et de menaces, où la paranoïa et la suspicion tiennent le haut du pavé. Tout est donc une question d'acteurs et la distribution finement choisie ne déçoit pas. À commencer par Joel Edgerton, grand habitué de ces rôles difficiles et ambigus, qui livre à nouveau une prestation enlevante.
Ce qui est intéressant dans ce type de projet particulièrement ouvert - comme ce fut le cas de It Follows, The Babadook, etc. - est que le spectateur finit par y projeter tout ce qu'il veut. La métaphore peut facilement s'élargir à la société et au pays. Ce clan tissé serré ne serait-il pas un condensé de l'Amérique? Le bonheur relatif se transforme soudainement en cauchemar et l'intégration de nouveaux arrivants ne se déroule pas nécessairement comme prévu...
Il n'est évidemment pas nécessaire de décoder tous ces éléments pour apprécier It Comes at Night. Pris au premier degré, le film demeure tendu, efficace et extrêmement satisfaisant. C'est lorsqu'on s'y aventure plus profondément qu'une complexité s'en dégage. Une subtilité qui fait naître un degré insoupçonné d'émotions et de dilemmes moraux. Comme quoi la peur et ultimement l'horreur peuvent porter un tout autre visage, bien plus familier que celui qu'on s'attendait.