Il y avait bien des échos positifs face à ce blockbuster hollywoodien sur le voyage dans le temps mettant en vedette l'un des plus grands acteurs de films d'action des deux dernières décennies et ce jeune comédien aux cheveux ébènes que le cinéma américain a récemment pris comme chouchou. Looper est divertissant, léger, efficace, visuellement réussi et narrativement entraînant; une description fort enviable pour toute oeuvre de ce genre qui préfère se prêter au jeu de l'émerveillement, du spectacle, plutôt que de chercher à étonner ou provoquer une réflexion chez son public. Le long métrage ne prétend pas être ce qu'il n'est pas, il ne nous entraîne pas sur quelques voies spéculatives dans le but de prouver un quelconque aspect spirituel; Looper s'assume et on l'apprécie d'autant plus.
Le voyage dans le temps n'a jamais été tout à fait bien contrôlé dans son aspect théorique, il y a toujours un ou deux trucs qui clochent et qui brisent l'entièreté de la trame narrative. Il n'existe pas de façon parfaite d'expliquer ce concept composite, on échappe rarement à quelques questionnements subséquents qui démantèlent, sans le vouloir, la logique établie, mais Looper fait un travail si rigoureux en ce sens qu'on écarte rapidement les problématiques qui pourraient nous chicoter. L'histoire est intéressante et fort bien livrée. Le voyage dans le temps n'est pas qu'une excuse, il est un moteur au récit et même un adjuvant ainsi qu'un opposant dans certaines situations. Le film n'insiste pas sur des aspects inutiles, il s'engage rapidement dans l'action et y incorpore l'information au lieu de la fragmenter. Tout n'est pas tout blanc ou tout noir dans Looper, les bons ne sont pas tous bons, les méchants, pas complètement méchants et les conjonctions ne sont pas toujours aussi prévisibles qu'elles ne le laissent d'abord croire.
La trame sonore - des sons électros vers d'oreilles qui nous restent dans la tête des heures après la projection - donne du corps à la production et lui permet d'être plus « réaliste » (autant que peut l'être une course contre la montre pour retrouver une version future de soi-même qui tente d'éliminer un enfant pour le bien de la postérité). La réalisation s'avère également bien contrôlée - compétente sans être anonyme. Elle sait quand il est temps de laisser la place aux personnages et lorsque le moment est venu de se manifester. On peut dire que Rian Johnson a relevé le défi qu'imposait sa double tâche - réalisateur et scénariste - avec professionnalisme et lucidité.
Même si la prothèse que l'on a apposée sur le visage de Joseph Gordon-Levitt pour qu'il ressemble davantage à Bruce Willis nous amène constamment à nous demander qu'est-ce qui ne va pas avec son visage, son interprétation n'en est pas affectée et, encore une fois, le comédien livre une performance presque irréprochable. Willis est aussi fort convaincant, tout comme Emily Blunt et le jeune Pierce Gagnon, qui impressionnent avec son regard hypnotique à la frontière de la folie et de l'espièglerie.
Looper atteint ses objectifs. On peut difficilement dire de lui qu'il est mémorable ou particulièrement original, mais le film est un blockbuster, sans contredit, réussi.