Liverpool était une idée géniale; une jeune femme, préposée au vestiaire légèrement technophobe, qui observe les clients désabusés et déraisonnables s'enivrer jusqu'à l'inconscience et qui, voulant bien faire, s'enlise dans des infortunes qui n'auraient pas dû être les siennes. La réflexion sur les nouvelles technologies, sur la distance qui se crée entre les gens et la facilité que chacun a de devenir un espion grâce à son iPhone en était aussi une fort intéressante et même nécessaire dans la société actuelle où on ne prend souvent pas le temps de réfléchir à l'écoulement précipité du temps. Mais une bonne hypothèse de départ et une introspection profitable ne sont pas toujours suffisantes pour faire un film réussi. Même si de nombreuses incongruités narratives et une certaine hétérogénéité globale nuisent vaguement au rendu de Liverpool, le long métrage de Manon Briand se distingue de l'offre cinématographique québécoise habituelle et nous propose un conte moderne compétent qui mérite que l'on s'y attarde.
Nous avons pris l'habitude de classifier notre cinéma. « C'est quel genre de film? », demandent souvent les gens avant de décider de m'accompagner ou non à une projection. Il est très difficile de répondre à cette question en ce qui concerne Liverpool. Le long métrage est volontaire hybride, un mélange de suspense, de drame romantique, d'essai poétique, de comédie et d'aventures d'espionnage. Même si certains seront certainement ébranlés et dérangés par ce métissage des genres, il apporte une unicité à l'ensemble et parvient à déstabiliser le spectateur, ce qui n'est pas à mésestimer quant à la force d'une oeuvre. Comme on utilise plusieurs genres, on fait aussi appel à différentes techniques qui s'amalgament rarement. On s'inspire des vidéoclips (transitions animées, dynamiques), de longs métrages d'Hitchcock, de romans policiers et on croit même parfois reconnaître certains airs de vieux films de Disney ou une ambiance sonore de films d'horreur.
La chanson Liverpool, qui a inspiré le titre et aussi l'histoire du film (« L'un vers l'autre ce soir-là s'approchent deux amants »), donne sans aucun doute une âme à la production québécoise, mais sa surutilisation en vient à faire décrocher le public. Xavier Dolan avait fait la même « erreur » avec Bang Bang dans Les amours imaginaires. Irrémédiablement, on se dit : « Ils ont dû payer cher les droits d'auteur pour abuser ainsi de la même chanson ». Peut-être est-ce faux, peut-être a-t-on simplement voulu créer cette redondance et en faire un effet, mais c'est définitivement la première pensée qui nous vient à l'esprit.
Stéphanie Lapointe était l'actrice toute désignée pour incarner ce personnage issu d'une autre époque, elle qui par sa fragilité porte un regard franc sur notre société actuelle. Charles-Alexandre Dubé, tout aussi posé et doux, livre aussi une performance juste et convaincante. La surprise réside dans l’éloquente interprétation d'un mafioso par le chef Giovanni Apollo. Une apparition brève, mais fort plus pertinente que celle du gérant et mari de Céline Dion dans Omertà.
La narration en ouverture (livrée par la voix trop aiguë, mais tout de même appropriée de Lapointe) introduit efficacement ce récit métissé et donne le ton à l'intégralité de l'oeuvre. Cette oeuvre qui parvient à nous déstabiliser comme à nous étonner et nous amener à réfléchir sur notre siècle et ses excès. Liverpool est accessible, efficace et différent et déjà là, ce sont trois variables que l'on a peu la chance de voir simultanément au sein de notre cinéma.
Même si de nombreuses incongruités narratives et une certaine hétérogénéité globale nuisent vaguement au rendu de Liverpool, le long métrage de Manon Briand se distingue de l'offre cinématographique québécoise habituelle et nous propose un conte moderne compétent qui mérite que l'on s'y attarde.
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