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Le parfum du bonheur.
Rare de commencer par cet aspect d’un film mais, en dépit de la qualité de ce long-métrage, la musique est ici tellement horripilante qu’elle ne mérite qu’une chose : c’est qu’on la mette en avant dans le mauvais sens du terme. Nous sommes dans une sorte de thriller minimaliste mâtiné de science-fiction (ou de fantastique selon comment on le prend) et Jessica Haussner, la réalisatrice de ce « Little Joe », a fait le choix d’une bande son complètement décalée par rapport à son sujet. Ce n’est pas forcément un mauvais choix et pas mal d’œuvres ont su trouver le ton (ou plutôt la note) juste avec une musique qui soit en total décalage avec ce que l’on voit à l’écran, on pense notamment aux films de Lars von Trier. Mais alors ici cette espèce de musique de restaurant chinois mêlée à des aboiements de chiens et des cris de singe assortis de cordes stridente est tout simplement épouvantable. Elle fait mal aux oreilles et apparaît totalement inappropriée. Heureusement, elle n’est guère présente dans ce long-métrage de l’autrichienne habituée aux univers froids et désincarnés. On se demande aussi par quel hasard son film s’est retrouvé en compétition officielle au dernier Festival de Cannes. Pas qu’il soit mauvais, c’est même plutôt intrigant et réussi, mais pas vraiment en phase avec les diktats habituels de la sélection.
Plus étrange encore, le fait que le jury de cette édition ait décerné le prix d’interprétation à Emily Beecham pour ce film. L’actrice est bonne, on ne peut le nier, mais on est loin, très loin d’une prestation renversante et d’un rôle mémorable. Surtout quand en face vous avez, par exemple et pour être chauvin les filles de « Portrait de la jeune fille en feu » ou « Roubaix, une lumière » … Ceci mis de côté, « Little Joe » ne plaira pas à tout le monde par son aspect clinique extrême et son rythme parfois neurasthénique mais il développe un côté intrigant et un univers original tout à fait plaisant pour qui voudra bien s’y laisser plonger. Certains y trouveront des longueurs mais cette certaine langueur et ces scènes répétitives au laboratoire servent le film et permettent de s’investir dans son ambiance si particulière. L’histoire embrasse un peu celle des films de contamination ou d’invasion du type « L’invasion des profanateurs de sépulture » ou « La Chose » mais sur un ton, une esthétique et un aspect tout sauf horrifique. C’est davantage poétique et métaphorique ici puisque c’est par le biais des fleurs que se fait l’infection et que ça rend les gens différents mais visiblement heureux.
Là est aussi tout l’art de la cinéaste puisque, si le film ne fait pas peur, il inquiète tout de même avec ces personnages légèrement différents. Elle parvient à instaurer le doute dans l’esprit du spectateur à savoir si tout cela est le fruit de la paranoïa d’un personnage puis de la protagoniste principale ou si ces fleurs sont bien nocives. On y voit en creux donc un parallèle malin avec notre société de consommation, prête à tout pour atteindre un bonheur factice nous rendant tous similaires et abêtis. La mise en scène carrée, sèche et froide colle parfaitement au sujet et aide à instaurer cette ambiance clinique où tout est aseptisé, du laboratoire au foyer de l’héroïne, théâtres principaux de l’histoire. Une esthétique travaillée basée sur les blancs et les verts d’où ressort le rouge de cette fleur si particulière. C’est beau à regarder et intrigant tout du long. On aurait aimé peut-être un côté thriller plus développé et une ou deux scènes bizarres ou de tension en plus mais on accepte le côté soft et pudique à ce niveau sans peine. Et Kerry Fox est un second rôle de choix, en contrepoids à la bizarrerie ambiante. Un film original et hautement sympathique.
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