Vu au Festival du Film de Toronto.
Il s'agit très certainement de l'une des plus belles surprises de l'édition 2015 du Festival du Film de Toronto. Eye in the Sky n'est pas un drame de guerre comme nous avons l'habitude de voir au cinéma. Il dévoile les dessous d'un monde auquel on donne rarement accès aux civils; un monde régit par les lois strictes, mais surtout un code moral précaire.
Le film nous dévoile les coulisses d'une attaque de drones dans un pays d'Afrique de l'Est. La colonelle Katherine Powell, officière du service d'espionnage, est placée aux commandes d'une mission secrète afin d'éliminer des terroristes dangereux, parmi les plus recherchés au monde. Celle-ci est tributaire de l'approbation d'une dizaine d'instances différentes afin de réussir son objectif. Lorsqu'une petite fille vendant du pain entre dans la mire de tir du drone, les autorités remettent en question l'intégralité de la mission.
Le film interpelle le spectateur de façon à ce qu'il se place irrémédiablement dans les souliers des personnages et se demande s'il aurait posé un geste semblable dans de telles circonstances. Il y a peu de films qui vous marquent assez profondément et vous habitent encore pour des mois après leur visionnement. Eye in the Sky possède cette caractéristique enviable de captiver son public à un point tel qu'il devient obsessif. J'ai, personnellement, vu ce film au TIFF en septembre dernier, et lors de sa sortie officielle dans les salles en mars, il me hante toujours. Et ce n'est pas par sa violence extrême ou par ses thématiques fortes et actuelles qu'il me perturbe autant, mais par la justesse dont le sujet est traité, l'acuité de son propos. Mentionnons que le scénario ingénieux de Guy Hibbert y est pour beaucoup dans le succès émotif de la production.
Bien qu'il s'agit d'un sujet grave, le film use souvent d'humour pour faire passer son message. Les innombrables instances impliquées dans la décision ou le refus de chacune d'entre elles d'être le décideur du possible assassinat d'une enfant, qu'on devrait considérer comme un dommage collatéral, relèvent souvent de la comédie. Helen Mirren, froide, droite et obstinée, est époustouflante, tout comme le reste de la distribution, qui brille successivement dans leur huis clos respectif.
L'esthétique du film, très guindé et carré, rappelle l'armée et ses procédures rigides. Précisons par contre que l'oeuvre ne se gêne pas pour se moquer de cette même rigueur militaire à plusieurs occasions. La réalisation de Gavin Hood est aussi efficace émotionnellement que le sont les textes.
Eye in the Sky, bien que défini comme un drame de guerre, est un suspense psychologique humain et percutant. Il est fort probable que vous ne voyez jamais plus la guerre ni la chasse aux terroristes de la même façon après le visionnement de ce film drôle et intelligent.