La vie, l'amour, l'amitié, la famille, la mort, le pardon, la transmission: les grands thèmes de l'existence sont abordés dans Les vieux chums.
Cela ressemble d'ailleurs à un testament cinématographique de la part de son auteur Claude Gagnon, qui signe son 10e long métrage en plus de quatre décennies d'activités. Comme toujours chez le créateur de l'inoubliable Kenny, il faut apprendre à vivre et à se libérer de ses démons intérieurs. La seconde chance est toujours possible - c'est là où se concluait son précédent Karakara - mais qu'arrive-t-il lorsque l'ombre de la Grande Faucheuse plane à l'horizon?
C'est ce qui arrive à Pierrot (pas celui de Larose, Pierrot et la Luce), un ancien champion de baby-foot qui n'a plus que quelques mois à vivre. Afin de partir en paix, il décide de retourner dans sa ville natale pour renouer avec son vieux chum (incarné par Paul Doucet), son fils, d'anciennes flammes et même d'aller aux danseuses (on se serait volontairement passé de ces élans plus machistes).
Le récit en est un de réconciliation et de mélancolie, qui ne se tourne pas tant vers la mort que vers la vie. Cela explique le traitement plus léger qu'espéré et l'apport d'un humour salvateur. Celui-ci naît principalement des personnages, colorés et schématisés. Le héros (Patrick Labbé) n'a pas peur de la fatalité et les médicaments qu'il prend pour soulager ses souffrances le rendent dans un état second, lui apportant une sérénité communicative.
Le temps semble suspendu et ce sentiment devient palpable dans la mise en scène, simple et sobre, un brin surannée. On sent le souffle de l'éternité émaner du vent dans les feuilles et de ce long plan où les comparses errent dans leur mémoire, au sein des lieux de leurs souvenirs. Des effets libérateurs qui auraient pu être davantage reproduits.
Au lieu de ça, ce sont les mots qui prennent le dessus. Ceux qui sont généralement trop écrits, moralisateurs et démonstrateurs. Combien de fois rappellera-t-on l'importance de la famille et la nécessité de profiter de chaque instant? D'enterrer les haches de guerre avant qu'il ne soit trop tard? Que tout a changé et que ce n'est pas nécessairement pour le mieux? Pour la subtilité, on repassera. Les sous-intrigues qui traînent en longueur sont souvent orientées vers cette direction, jusqu'à une finale particulièrement collante de rédemption.
Pourtant le film pouvait se dérober de ces conventions. Lorsque l'action quitte Saint-Hyacinthe pour le Maroc, le cinéma vient bien près de triompher. Celui qui se joue à coup d'images marquantes, de symboles forts et de silences révélateurs. Une épreuve attend notre duo et encore là, elle est en partie gâchée par une abondance de discussions lourdement développées.
Patrick Labbé ne s'en laisse pas affecter, lui qui renoue enfin avec le septième art. L'acteur, d'une belle intériorité, n'a jamais été aussi fragile et son jeu s'agence aisément à celui de Paul Doucet, d'une élégante sobriété. Les deux comédiens sont des amis de longue date et leur complicité transcende l'écran. Dommage que l'émotion d'ensemble filtre aussi difficilement, n'arrivant que trop tardivement, au détour d'une phrase lancée furtivement ('Quand tu vas avoir du fun, pense à moi').
Trop inégal et bavard malgré sa sincérité et ses bonnes intentions, Les vieux chums ne possède pas le souffle des meilleurs opus de Claude Gagnon (comme Kamataki ou Visage pâle). Il s'agit toutefois d'une sonate mineure agréable à ses heures qui, aussi gauche et appuyée soit-elle, se révèle bienveillante, si ce n'est dans sa façon de rappeler comment la personne qui va bientôt quitter ce monde peut encore nous apprendre à mieux vivre.