Le golf comme métaphore de l'existence? C'est le pari du film québécois Les tricheurs, une comédie jouissive à bien des égards.
Découvert par l'entremise de Mont Foster, un thriller psychologique particulièrement angoissant, le réalisateur et scénariste Louis Godbout est de retour avec un nouveau huis clos mental, cette fois en plein air. S'il semble en apparence plus léger que son prédécesseur, ce conte moral s'abreuve aux mêmes sources, faisant tomber les masques du paraître et des mensonges afin d'assister à la métamorphose d'êtres humains forcément imparfaits.
Cela se déroule sur le vert, alors que trois amis (Benoît Gouin, Christine Beaulieu et Steve Laplante) sont réunis pour passer du bon temps. Jusqu'au moment où un inconnu vient troubler leur quiétude. Il n'est pas là par hasard et, à l'instar du protagoniste du chef-d'oeuvre Théorème de Pier Paolo Pasolini, séduit et manipule son entourage.
Le golf devient ici le microcosme de l'humanité. Autant sa dimension physique (devoir ralentir la cadence à cause du vent, tomber dans une trappe de sable...) que psychologique, révélant la nature propre de ses joueurs. Ces derniers ne sont évidemment pas faits d'un seul bois, fiers ou fourbes, et c'est cette dualité qui est intéressante à explorer. Surtout lorsque les zones grises sont arpentées, par exemple celle de la masculinité toxique ou de la façon de concevoir le sort des personnes âgées.
Le scénario plutôt ingénieux utilise la satire décalée pour y parvenir. Bien que la farce paraisse parfois grotesque et exagérée, le but est atteint. L'humour grinçant mène le bal, se développant grâce aux dialogues cyniques (Denys Arcand devrait apprécier)... davantage que par ses gags visuels appuyés et redondants. Un peu plus et on se croirait revenir aux comédies italiennes des années 60 et 70, ludiques et cruelles à la fois.
L'exercice quelque peu prévisible ne tarde cependant pas à atteindre ses limites, son point de saturation et à tourner en rond. Les scènes similaires et inégales se succèdent sans rien proposer de nouveau en retour. Une répétition sans doute voulue qui rend l'effort stérile et superficiel malgré ses salvatrices échappatoires philosophiques et sa finale sardonique.
Les brillants interprètes compensent le tout en apportant du mordant aux personnages qui réussissent de peine et de misère à s'affranchir des stéréotypes. Ce qu'on pouvait s'ennuyer de Benoît Gouin, toujours brillant en macho à la langue bien pendue! Il n'a aucune difficulté à remettre à sa place le ténébreux Alexandre Goyette. Quant à Steve Laplante, après sa performance inoubliable dans Babysitter et en attendant sa participation au très attendu Viking de Stéphane Lafleur, 2022 sera pour lui l'année de la consécration. Christine Beaulieu fait également des merveilles dans un rôle ingrat et caricatural, s'en sortant haut la main.
Si l'ensemble s'adapterait sans difficulté au théâtre, un soin cinématographique assez imaginatif a été apporté à la mise en scène. Le subtil jeu sonore et la photographie soignée suggèrent que la nature est là pour observer les humains, s'en moquant allègrement. C'est d'ailleurs elle qui a le dernier mot tout en représentant la part d'inconscience des âmes qui errent.
Les tricheurs rappelle que la comédie québécoise peut prendre des risques payants en s'aventurant hors des sentiers battus. La démonstration demeure amusante et divertissante même si son filon s'épuise assez rapidement.