À travers une discussion marquante entre Thom (Dave Johns) et sa bonne amie Jenny (Brigitte Poupart), le cinéaste belge David Lambert se questionne sur tout ce qu'une personne doit ultimement accepter, sacrifier ou changer pour partager sa vie avec une autre.
Il s'agit assurément de l'échange le plus inspiré, clairvoyant et révélateur du présent Les tortues, qui illustre la désintégration en accéléré d'un couple dans un moment qui aurait pourtant dû l'unir davantage.
L'heure de la retraite a alors sonné pour Henri (Olivier Gourmet), le mari de Thom. Ses décennies de loyaux services à titre d'agent de la paix maintenant derrière sa douce moitié, Thom se réjouit en pensant à tout le temps qu'ils pourront désormais passer ensemble.
Mais Henri ne voit pas tout à fait les choses de la même façon.
Sa nouvelle liberté lui fait plutôt réaliser qu'il voudrait pouvoir profiter de la vie sans barrière ni attache, scrutant nonchalamment les applications de rencontres, tout en ignorant de plus en plus son conjoint à mesure que les jours passent.
Toutes ses bonnes intentions n'ayant mené à rien, Thom opte pour l'électrochoc en entamant une procédure de divorce. Encore là, la stratégie ne produira pas l'effet escompté, et creusera davantage le fossé entre les deux principaux intéressés.
Les tortues se penche ainsi sur l'évolution d'un couple - et de la vie en général - sous un angle tout à fait tangible, mais aussi quelque peu inusité.
Renforcé par les performances opposées, mais habitées des deux têtes d'affiche, le film de David Lambert explore ces tiraillements, cet acharnement à vouloir sauver quelque chose qui ne peut peut-être plus l'être, ces crises de jalousie et ces coups bas maladroits d'une façon sobre et naturelle, soutenant aussi bien les élans de comédie que les moments plus dramatiques.
Ceci étant dit, si le tout va de pair - jusqu'à un certain point - avec les positions des deux protagonistes, le film tourne rapidement en rond et devient plutôt redondant, n'arrivant pas à mettre le doigt sur ce qui aurait pu facilement élever le discours initial au-delà de l'évidence.
Lambert aurait notamment gagné à approfondir davantage certains personnages secondaires afin de mieux définir et cimenter l'univers du couple, et aller au-delà de simples visions divergentes.
Sans être un film ennuyeux ou même raté, Les tortues est tout simplement une belle prémisse qui n'a été pensée et développée qu'à moitié. Le résultat demeure touchant, souvent drôle, mais s'entête à ne pas saisir les opportunités de s'aventurer en dehors des sentiers battus qui se présentent pourtant à chaque détour du scénario.
Les tortues culmine néanmoins vers un dernier droit assez perspicace - quoiqu'un tantinet exagéré - où Thom et Henri se contredisent eux-mêmes en cherchant à acquiescer à leurs désirs et à ceux de l'autre. Lambert nous laisse alors sur une note volontairement floue, impliquant un retour à la case départ qui pourrait se concrétiser de plusieurs façons.
Car, comme le veut l'adage, nous ne prenons réellement conscience de ce que nous avons que lorsque nous l'avons perdu.