« Adolescent » est assurément le mot à retenir dans le cas de Teenage Mutant Ninja Turtles: Mutant Mayhem, création fanatique du tandem formé de Seth Rogen et Evan Goldberg, auquel se joint Jeff Rowe (qui avait coécrit et coréalisé le trépidant The Mitchells vs the Machines).
Nous retrouvons d'ailleurs ici le même genre de mise en scène survitaminée et d'humour hyperactif que dans le film d'animation de 2021, tandis que le trio s'imprègne de cet état d'esprit aussi bien pour le développement de ses personnages (évidemment) et des thèmes privilégiés, que dans le ton, le rythme et le style visuel urbain et volontairement imparfait qu'il déploie.
Bref, ces derniers ont tout mis en oeuvre pour s'assurer de rejoindre leur public cible.
Et comme nous sommes en 2023, les réseaux sociaux et le désir de reconnaissance et d'acceptation ne pouvaient se retrouver ailleurs qu'au coeur du discours tenu par les trois auteurs.
Rogen, Goldberg et Rowe n'y vont d'ailleurs pas avec le dos de la cuillère à cet égard, alors que tous - absolument tous - leurs personnages ont été victimes de rejet d'une façon ou d'une autre durant la majeure partie de leur vie.
Dans le cas de nos quatre tortues, celles-ci rêvent de pouvoir se mêler aux humains et vivre une vie normale à la surface, mais leur unique figure parentale, ce bon vieux rat Splinter, a beau fait de les mettre constamment en garde contre la cruauté de cette espèce qui, selon lui, se montrerait tout sauf clémente à leur endroit si elle venait à découvrir leur existence.
À l'opposé, un autre groupe de mutants mené par le malfrat Superfly entretient le même genre de haine envers le genre humain. Superfly compte toutefois mettre en branle un plan machiavélique afin d'inverser les rôles.
Si l'ensemble repose sur de nombreux emprunts à l'univers des héros de Marvel comme à celui des mangas, Mutant Mayhem possède bien un charme et une énergie qui lui sont propres.
Le trio et leurs acolytes essaient énormément de choses à l'intérieur de ces quelque 100 minutes. Certaines idées fonctionnent, certes, beaucoup mieux que d'autres, mais chacune est portée par une attention aux détails et une intention suffisamment définie, et prenant toujours en considération l'évolution et le cheminement des différents personnages.
Mais ce qui retient surtout l'attention d'emblée, c'est évidemment le style d'animation tout aussi chaotique et instinctif qui est mis de l'avant, teinté de gribouillages et de coups de crayon pour le moins approximatifs.
Celui-ci épate, d'ailleurs, davantage lorsque Rowe privilégie des plans larges plutôt que rapprochés, et ce, autant pour donner vie à ses protagonistes et ses environnements que pour structurer ses séquences d'action.
Si l'esthétique et la dynamique du film - de même que la majeure partie du dernier acte - nous ramènent tout droit aux films de Spider-Man - les récents longs métrages animés comme ceux mettant en vedette Andrew Garfield et Tom Holland, respectivement -, Mutant Mayhem explore néanmoins des dilemmes similaires à ceux que nous retrouvons au coeur de la saga X-Men.
Les notions de bien et de mal s'entrecroisent ainsi tandis que les mutants doivent choisir un camp, et donc adopter une mentalité vis-à-vis leur rapport involontairement conflictuel avec le reste du monde.
Mais au final, l'addition de tous ces éléments culmine-t-elle vers un film de Tortues ninjas en bonne et due forme?
Oui et non - le dernier droit, en particulier, risque de faire sourciller plus d'un fan de longue date du quatuor reptilien.
Mais il est clair que Rogen, Goldberg et Rowe voulaient avant tout nous introduire ici à la (re)naissance insolite d'une franchise adulée. Et l'impact de chaque décision semble certainement avoir été pris en considération.
Teenage Mutant Ninja Turtles: Mutant Mayhem ne fait définitivement pas dans la dentelle à aucun niveau. Si les auteurs peinent parfois à mélanger adéquatement moments dramatiques et comédie juvénile (même s'ils tirent bien leur épingle du jeu d'un côté comme de l'autre), ces derniers impressionnent malgré tout de par leur capacité à mettre tout leur arsenal créatif au service de leur vision.
L'excellente bande originale aux rythmiques tantôt pesantes et énergisantes, tantôt planantes, de Trent Reznor et Atticus Ross cimente allègrement le tout en se faisant l'écho d'un monde que nos quatre héros commencent à peine à découvrir et à apprivoiser.
En tout et pour tout, Mutant Mayhem s'avère être une production aussi étonnante qu'éclectique qui, malgré quelques coins coupés un peu trop ronds, ne manque certainement pas d'âme, ni de suite dans les idées.