Difficile de cerner ce dont Les saveurs du palais, qui se déroule dans les cuisines de l'Élysée, résidence du Président de la République française et haut lieu de la politique française, veut véritablement parler. De politique? Pas vraiment, sinon par clins d'oeil très fugitifs. De cuisine? Oui, mais pas de la manière amoureuse et quasi pornographique dont on traite déjà les plats sur les écrans (cinématographiques et télévisuels sans distinction). De tradition? Ah oui, peut-être; de terroir, en quelque sorte. De culture? Hum...
Peut-être. Mais le film de Christian Vincent le fait si gentiment, si anecdotiquement, qu'on ne peut y trouver autre chose que l'histoire, assez jolie certes, d'une femme. L'histoire très spécifique d'une seule femme au destin inhabituel. Pas une habile métaphore sur le pouvoir ni un film universellement inspirant et rassembleur. L'histoire, inspirée de la vie de Danièle Mazet-Delpeuch, est réduite à quelques moments cocasses, quelques rencontres impromptues et à quelques irrégularités au protocole. Voilà l'essence de la structure dramatique du long métrage : quelqu'un est choqué par les libertés que prend Hortense Laborie, engagée pour être la cuisinière personnelle du Président. Cela fonctionne un certain temps...
La volonté des Saveurs du palais est d'être spécifiquement français. Rapport de force entre les rangs hiérarchiques, retour aux racines, respect du produit (truffe, vins); voilà un film qui est à la limite entre réactionnaire et patrimonial. Et qui n'est pas assez inspiré ni inspirant pour convaincre entièrement.
La réalisation apparaît surtout pragmatique, utilitaire, non sans que cela donne quelques beaux moments qui tirent surtout profit des dialogues sentis dans les cuisines de l'Élysée. Parce qu'au-dehors, c'est plutôt catastrophique; de burlesques séquences (avec des journalistes) sur une île en Antarctique viennent ralentir bien inutilement un récit qui aurait beaucoup profité d'un certain resserrement, même si le long métrage ne dure qu'un peu plus de 90 minutes.
Jean d'Ormesson, dans un rôle-hommage, apparaît bien trop vieux et affaibli pour être Président de la République (il a 87 ans quand même), et cela rend les rencontres avec Hortense un peu surréelles... mais pas dénuées de charme. En fait, c'est surtout le coffre (à défaut du charisme) de Catherine Frot qui rend le tout agréable. Cette actrice, qui n'est pas très chaleureuse, semble sur le pilote automatique; elle semble se jouer elle-même (depuis plusieurs films) et elle ne parvient donc pas à porter le film sur ses épaules.
Tout de même, Les saveurs du palais se laisse regarder avec un certain plaisir, qui est malheureusement éphémère. Il y a quelques maladresses techniques et scénaristiques, mais la véritable raison, c'est qu'on n'a pas réussi à rejoindre l'universel à travers le spécifique. Tous les ingrédients étaient pourtant réunis...