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Obscurantisme contre suspense.
Attention thriller choc. Pour son troisième film, le cinéaste danois né en Iran, Ali Abbasi retourne dans sa région d’origine pour tourner un suspense à couper au cordeau qui s’inspire d’une histoire vraie ayant eu lieu en Iran au début du XXIème siècle. Bien sûr, pour avoir les coudées franches, le cinéaste de l’étrange « Border » a préféré tourner en Jordanie, l’un des seuls pays de la région où existe un semblant de démocratie. Une histoire de serial-killer qui fait froid dans le dos. La première étouffante séquence glace d’ailleurs le sang et met le spectateur directement dans le bain. On y voit une prostituée dans les rues de Mashad, ville sainte, effectuer ses passes jusqu’à ce que l’un de ses clients l’appâte pour l’assassiner par strangulation. Et tout nous est montré sans censure. Ce sera l’un des reproches que certains feront à « Les nuits de Mashad » : sa complaisance dans la représentation des meurtres. C’est un peu vrai mais pas gênant, plus à double tranchant : en effet, Abbasi en montre peut-être beaucoup et de manière répétitive, c’est difficilement supportable aussi bien dans la violence sèche et le modus operandi du tueur que dans la motivation qu’il a à les exécuter. Mais d’un côté, cela montre bien la folie et la détermination sans faille, peu importe la victime, qu’il développe dans ce qu’il appelle sa mission et les raisons de celle-ci : nettoyer les rues du vice de ces femmes de mauvaise vie.
La musique qui enveloppe « Les nuits de Mashad » est à la fois imposante, épique et malsaine. Elle entretient et amplifie le malaise ambiant qui enveloppe tout le long-métrage. Une œuvre poisseuse, glaciale et vénéneuse dont la tension est palpable à chaque instant. Comme le film fait le choix d’alterner l’enquête menée par une police incapable et peu concernée et une journaliste investie avec les séquences axées sur la vie et les actes perpétrés par le tueur. Cela fait pester le spectateur de voir que ces agissements sont impunis et on attend qu’une chose : qu’il soit arrêté. D’ailleurs, aucun suspense sur l’identité du tueur puisqu’Abbasi le montre dès le second meurtre. Et si on perd en tension et dans le côté ludique de deviner qui il est, on le gagne en horreur morale. De découvrir que c’est un homme marié, plutôt normal et qui agit au nom d’une pseudo mission sainte, rend tout cela encore plus terrifiant que de voir un fou tuer de sang froid ou par vice et perversion. Après, dans sa dénonciation de la masculinité toxique, des vices du genre masculin, le film n’y va pas avec le dos la cuillère, il ne faut pas le nier. C’est très manichéen mais en ce qui con concerne les valeurs d’un pays comme l’Iran, c’est nécessaire.
Ce n’est donc pas l’aspect thriller ou policier qui impacte le plus notre esprit, entre voyeurisme, un petit manque de suspense et le côté redondant (mais tout cela reste peu préjudiciable au film au final et se fond bien dans ce qu’il entend dénoncer). Ce qui nous scotche le plus, c’est cette misogynie latente en Iran, cet intégrisme religieux écœurant, cette instrumentalisation de la religion par des fanatiques et surtout la corruption effarante du pouvoir en place et de la justice. Du point de vue de bon nombre d’Iraniens, notamment les hommes religieux, mais pas que, ces meurtres de prostituées nettoient les rues de Mashad. Et ce serial-killer apparaît pour beaucoup comme utile et agit pour Dieu. Les scènes de procès sont effarantes et la séquence finale qui voit le fils du tueur (après sa femme) expliquer et excuser les agissements de son père est psychologiquement horrible et nous retourne le bide. Le propos est certes martelé mais nécessaire en ces temps de retour à un certain obscurantisme. L’interprétation de Mehdi Bajestani en tueur implacable et sain d’esprit est impressionnante, bien plus que celle de la récipiendaire du prix d’interprétation féminine à Cannes Zar Amir Ebrahimi. « Les nuits de Mashad » n’est pas dénué de défauts mais secoue comme il faut. Tétanisant.
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