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Touchant
4 stars
Le regard des autres.
Ce drame mâtiné de thriller est puissant et fascinant. Il nous propose de plonger dans la communauté d’une toute petite ville du Québec éprouvée par une tragédie passée et au sein de laquelle la grossesse d’une adolescente va provoquer des émois à tous les niveaux. « Les Nôtres » affleure beaucoup de thèmes satellites autour de cet événement. Peut-être un peu trop et c’est l’une de ses limites mais le scénario semble vouloir aborder beaucoup des conséquences et ramifications que va avoir cette grossesse. Autant que le drame vécu par l’adolescente, le film va donc intelligemment décortiquer les effets sur l’entourage de cette jeune fille et sur la communauté. On parle aussi de racisme ordinaire et d’autres sujets que l’on ne peut divulguer ici sous peine de gâcher certaines surprises du script. Ils ne sont pas bâclés mais nombreux donnant parfois l’impression que la réalisatrice veut trop en dire. Mais ça passe de justesse et l’ensemble reste tout à fait cohérent. Le suspense et le côté intrigant du début sur l’identité du père vont laisser place ensuite à un drame fort et éprouvant, où la psychologie de tous les personnages est mise à rude épreuve.
Dans le rôle principal, la jeune Emilie Bierre, décidément partout depuis un an dans le cinéma québécois de « Une colonie » à « Genèse », est encore une fois bluffante. Son jeu tout en intériorité est aussi impressionnant qu’émouvant dans un rôle vraiment pas facile. Le poison de la révélation qu’elle porte va se distiller insidieusement jusqu’à la fin du long-métrage pointant du doigt les communautés refermées sur elles-mêmes et peu ouvertes d’esprit. « Les Nôtres » a un côté étouffant, le calme apparent de cette petite ville cachant des rancœurs, des jalousies et des comportements exacerbés. Les deux mères du film, très justement incarnées par Marianne Farley et Judith Baribeau, montrent deux versants nuancés de l’assimilation de cette grossesse et des dommages collatéraux qu’elle va avoir sur leurs vies sont, en outre, des personnages secondaires passionnants. Entre douleur, empathie et crainte du jugement d’autrui, conditionné par une bienséance toute relative, elles marquent l’esprit.
Le fait de conclure le film de manière abrupte, en queue de poisson, où chacun est libre de clore l’histoire à sa manière est en revanche le point faible du film. Une fin ouverte comme celle-là, trop en points de suspension et après une suite de non-dits, est frustrante et peu en adéquation avec un tel sujet. On a même l’impression que la cinéaste Jeanne Leblanc, ne donne pas son avis, ne condamne pas. Mais elle a su emporter notre adhésion la grande majorité du long-métrage, parfois un peu lent, mais réussi dans l’ensemble alors on lui pardonne. Que ce soit le climat anxiogène créé ici ou l’émotion procurée par ce que vit le personnage d’Emilie Bierre, c’est clairement un film fort et difficile mais maîtrisé. Les belles séquences dramatiques avec sa mère ou le meilleur ami sacrifié sont vraiment déchirantes. « Les Nôtres » est un film rare et qui va sur des terrains plutôt osés ; un tel sujet aurait pu vite virer au voyeurisme, au malsain où à la publicité chrétienne pour cul-bénis mais il n’en est rien. C’est un long-métrage lourd psychologiquement avec des thèmes pas faciles mais traité avec délicatesse et acuité en dépit de quelques maladresses.
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