Les nôtres est une oeuvre fascinante, troublante et magnétique. La caméra oppressante de Jeanne Leblanc nous transporte au coeur d'une communauté tissée serrée qui, après avoir vécu une tragédie, n'est pas au bout de ses peines quand une jeune fille de seulement 13 ans tombe enceinte. Tous les regards se tournent vers la pauvre Magalie qui refuse de dire qui est le père de son enfant à naître.
Bien qu'il ne faut pas attendre bien longtemps dans le film avant de connaître l'identité de ce mystérieux géniteur, la production a décidé de conserver le mystère autour de ce fameux individu. Il faut dire qu'effectivement, on apprécie d'autant plus l'oeuvre lorsqu'on ne sait pas tout à fait à quoi nous avons affaire. La réalisatrice a d'ailleurs fait un bon boulot pour nous tenir en haleine. Les 30 premières minutes de son film sont habiles et vraiment intrigantes. Reste que cette volonté de ne pas trop en révéler rend la tâche du critique difficile. Vous parler du film, sans aborder sa thématique principale, s'avère un défi. Mais, tâchons de respecter l'oeuvre et son mystère...
Emilie Bierre est d'une incroyable sincérité sous les traits d'une adolescente confrontée aux affres de la grossesse. Elle incarne à la fois l'innocence, la pureté de la jeunesse et sa force tranquille. Marianne Farley est aussi particulièrement touchante dans le rôle d'une mère désemparée face aux problèmes de sa fille. Sa colère, son désespoir et sa peine s'expriment de façon parfois maladroite, mais toujours authentique et émouvante. Paul Doucet s'avère aussi particulièrement juste en maire du village, tout comme le jeune Léon Diconca Pelletier, qui déploie une grande sensibilité derrière son flegme.
Le scénario, écrit par Leblanc et Judith Baribeau, ne se complait pas dans de longs dialogues empoignants. Les deux autrices ont plutôt choisi de laisser parler les silences et les situations. Par contre, elles n'abusent pas non plus de l'aspect contemplatif. Elles sont parvenues à établir un juste milieu entre trop en dire et pas assez. La finale, elle, laisse place à l'interprétation. On ne surexplique pas la conjoncture; il faut décoder ce que l'on voit et en tirer ses propres conclusions. Sans être trop explicite, on aurait espéré un dénouement un peu plus formel.
Bien que nous ne sommes qu'en tout début d'année, on peut déjà affirmer que le drame de Jeanne Leblanc restera un incontournable du répertoire québécois de 2020. Ce film possède une puissance transcendante qui nous habite longtemps après la fin du visionnement.