La société postmoderne fait la preuve, dix ans plus tard, que même si le Titanic n'avait pas coulé, le couple parfait par excellence, Kate Winslet et Leonardo Dicaprio, frappé d'infidélité, de mensonges et de mépris profond, était quand même condamné. Un film américain qui a des allures de littérature russe du XIXe, peuplé de femmes à la fois soumises et libérées, baignant dans un blanc lumineux qui cache les défauts. Les banlieues ensoleillées sont le lieu de prédilection de Sam Mendes, qui y campe ses plus cruelles et efficaces histoires, mettant au grand jour - et cette fois plus que jamais - les malaises d'une masculinité en perdition. Cette fois-ci, un drame puissant, campé en pleine domination masculine et défendu par deux grands acteurs, un peu redondant par moments mais fascinant tout de même, grâce en particulier à une grande maturité qui se manifeste par une économie des moyens et des artifices.
Pour tous leurs voisins de Revolutionary Road, Frank et April forment le couple parfait avec leurs deux magnifiques enfants et leur jolie petite maison. Les deux s'ennuient pourtant grandement dans leurs tâches quotidiennes ou avec un travail qu'ils n'aiment pas. Voulant donner un deuxième souffle à leur couple, April propose à Frank de partir pour Paris et d'y refaire leur vie. Après quelques hésitations, Frank accepte. Mais les choses changent lorsqu'April apprend qu'elle est à nouveau enceinte et que Frank reçoit une importante promotion.
Leonardo Dicaprio, qui devient de plus en plus le Jack Nicholson de sa génération (c'est-à-dire qu'on l'imagine très bien avec 40 livres de plus et des lunettes fumées), livre une performance exceptionnelle dans le rôle de Frank, père de famille de son époque qui est amoureux mais furieusement maladroit. On en vient à se demander pourquoi ces deux-là se sont aimé la première fois, même si les quelques moments de tendresse qu'ils partagent sont intenses et crédibles. Winslet, exceptionnelle, est brûlante de désir autant que de désarroi face à ce mari qu'elle n'aime plus. La véracité cruelle du film rappelle Little Children ou Closer par cette facilité frustrante à inspirer la sympathie.
Mendes n'utilise que la force brute de ses comédiens et de ses dialogues, parfois convenus mais plus souvent inspirés, pour raconter son histoire. Les effets spéciaux, ce sont les regards, et la prédominance du blanc, qui reflète la lumière, vient entourer le récit d'halo voulant en quelque sorte l'isoler des autres. Le scénario ne bâtit pas de fausse tension dramatique, et pourtant, la finale s'avère d'une force exemplaire. Dommage cependant que le film flotte à quelque moments, en tout particulier lorsque les personnages, sans doute transportés par l'émotion, ne prennent pas les meilleures décisions.
Dans Les noces rebelles, il n'y a pas de véritable coupable; ni l'homme, ni la femme ne sont responsables pour cette incompatibilité profonde qui les frappe. À une autre époque, le film durerait dix minutes et se terminerait par un divorce. Mais dans la lourdeur sociale des années 50, le couple de Frank et April, qui n'envisage pas le divorce, n'est pas moins condamné. Les voisins, les codes sociaux et la réputation sont les principales chaînes qui empêchent le bonheur et le seul être capable de les transcender, c'est le fou, le débile, qui n'est pas tant fou et débile qu'en dehors de son temps. Même constat pour le film de Mendes : intelligent mais suranné, dépassé, et donc beaucoup moins excitant qu'un film plus perspicace qui serait à l'avant-garde.
À une autre époque, le film durerait dix minutes et se terminerait par un divorce. Mais dans la lourdeur sociale des années 50, le couple de Frank et April, qui n'envisage pas le divorce, n'est pas moins condamné.
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