La dernière fois que j'avais fait une « critique constructive », c'était pour Serveuses demandées, l'an dernier.
C'est dommage à dire, mais dès les premiers instants de Les mots gelés, on sait exactement ce à quoi on aura affaire : un court métrage beaucoup trop long. Ces « quelques notes de piano sur paysage hivernal » (pratiquement un genre du cinéma québécois), on les a audio-vues sur tant de courts métrages étudiants au fil des ans... Les mêmes obsessions, aussi : le froid, l'hiver, la dépression, le parent malade, un ressentiment découlant d'un drame du passé. Dans un court métrage, ça va toujours; on ne s'entête habituellement pas à allonger le film (sous prétexte de développer la psychologie des personnages) pour qu'il ait une durée convenable, et on évite autant que possible les répétitions. On peut aussi essayer des choses, se faire la main. Ce que fait effectivement Isabelle D'Amours à quelques reprises, non sans talent. Mais cela ne suffit pas.
Professeur dans une école secondaire, Charles vit seul dans une grande maison. Comme il éprouve certaines difficultés à communiquer, excepté avec son meilleur ami, professeur lui aussi, il inscrit sur des petits bouts de papier les phrases qu'il n'arrive pas à dire et les congèle dans des glaçons. Sous médication, il s'entête à vivre seul, jusqu'à ce qu'il décide de sortir sa mère du centre de soin où elle habite pour qu'elle vive avec lui.
Construit comme une suite de métaphores souvent peu originales, parfois même un peu quétaines (je n'imagine aucun prof faire des anges dans la neige dans la cour d'école, sous prétexte d'être honni de ses étudiants), Les mots gelés est bâti sur une idée intéressante : les phrases qu'on n'a pas dites, congelées dans des bacs à glaçons. Belle idée, qui donne lieu à la meilleure scène du film : un savant montage de Charles incapable d'aborder une jolie fille et de Charles congelant des phrases telles que : « Comment ça va? » et « Veux-tu une bière? ». Éloquent et efficace, on aurait gagné à poursuivre dans cette voie...
Dommage qu'à d'autres moments, le film s'entête à n'offrir que des discussions creuses, des demi-phrases pronominales qui répètent les maladresses des premiers scénarios étudiants; les personnages utilisent des référents étrangers au spectateur (« depuis que c'est arrivé », « tu le sais ») pour ajouter maladroitement à la tension, créer artificiellement une sorte de « mystère ». Un risque inconsidéré, d'autant que les acteurs s'y perdent aisément, et qu'il n'est pas tellement intéressant de voir trois personnages marcher pendant cinq minutes pour aller glisser. Ce qui mériterait d'être montré, c'est la marche de retour, là où le malaise vient faire interagir les personnages.
Quand même, les comédiens ne se tirent pas mal d'affaire malgré la précarité des dialogues et de leurs personnages (pourquoi aller dans un bar si on déteste ça? Peut-être qu'une relation virtuelle serait un meilleur premier pas...). Ils ont cependant si peu d'importance dans le récit, qu'on semble avoir peiné à allonger, qu'ils ne trouvent jamais vraiment le bon ton.
Le film s'intéresse à un sujet délicat, mais ne l'aborde qu'en surface, se bornant à essayer de transmettre une impression d'étrangeté et de froid. Il y parvient parfois, sans jamais créer une trame narrative quelconque (quels sont les enjeux?) ou à fasciner par une maîtrise technique qui transcenderait l'émotion. Cette chronique assez banale - anecdotique, de cet individu particulier - ne sied pas à un art qui doit utiliser l'exemple pour parler de l'universel.