Les zombies dévorent tout sur leur passage dans The Dead Don't Die, une création ludique et sympathique sur le monde d'aujourd'hui.
Les comédies mettant en vedette des morts-vivants sont nombreuses, que l'on pense à Braindead, Shaun of the Dead et Zombieland. The Dead Don't Die révèle un caractère unique, étant réalisé par Jim Jarmusch, l'un des plus importants cinéastes contemporains.
Cela ne prend que quelques secondes avant de reconnaître son style, ce facteur cool qui se déploie à la fois sur le plan formel et dans la façon de manier les dialogues. Sa mise en scène extrêmement travaillée s'abreuve au sein de la tradition du cinéma indépendant américain, alors que l'humour pince-sans-rire titille une mélancolie ironique qui explose à retardement.
Surtout que tout le monde veut travailler avec le réalisateur culte, ce qui explique la qualité de la distribution réunie : certainement la plus relevée de l'année. Entre les revenants de ses précédents opus (Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Steve Buscemi, Chloë Sevigny), les nouveaux venus dans son univers (Danny Glover, Caleb Landry Jones) et les musiciens à succès (Tom Waits, Iggy Pop, Selena Gomez, RZA), le casting s'en donne à coeur joie en jouant à l'unisson.
Il ne faut toutefois pas s'attendre à une de ces farces désopilantes où les gags font mouche constamment. Au contraire, on se retrouve plutôt devant une satire minimaliste, méta et répétitive, sans doute un peu trop facile, qui s'amuse à briser le quatrième mur. En fait, Jarmusch n'explore pas tant le genre en profondeur comme il l'avait fait avec le film de vampire (Only Lovers Left Alive), de samouraï (Ghost Dog) et son western (Dead Man) qu'il se plaît à demeurer en surface, multipliant les séquences de blabla en offrant un peu de gore dans la veine de ce que fait Quentin Tarantino.
Ce transfert bien particulier vers la parodie ne plaira pas à tous, comme ce fut le cas de son hilarant et complètement absurde The Limits of Control. Pourtant ce choix s'explique par ce qu'il dénonce : le manque d'humanité, le matérialisme à outrance et les États-Unis de Trump où les fermiers sont prêts à faire exploser la tronche de quiconque s'avère différent d'eux. Une vision sombre et pessimiste de l'avenir qui ne fait pas dans la nuance et la demi-mesure, à l'image de cette époque où tout doit être blanc ou noir.
Cela n'empêche pas le réalisateur d'errer parfois en chemin. Le long métrage atteint rapidement son point de saturation (c'est sans doute normal pour une oeuvre qui critique la surconsommation) et il peine à se renouveler. Lorsqu'il y arrive, c'est pour se conclure par une chanson horriblement moralisatrice, qui explique de long en large tous les thèmes précédemment abordés qui n'étaient déjà pas des plus subtils.
Ni tout à fait un Jarmusch classique (qui revient en petite forme après son immense Paterson) ni un film de genre traditionnel où l'hémoglobine coule à flots, The Dead Don't Die risque d'avoir un peu de difficulté à trouver son public. Il s'agit pourtant d'un divertissant défouloir pour l'été, mineur et amusant, où quelques-uns des plus grands acteurs prennent les armes et coupent des têtes avec bonheur. Personne ne le fait d'ailleurs mieux que Tilda Swinton.