Le nouveau film de Louis Bélanger est une surprise dans le paysage cinématographique québécois. Drôle, pertinent, émouvant et cabotin, Les mauvaises herbes possède le cran et la folie qui manquaient à plusieurs productions québécoises pour briller au grand écran ces dernières années. La trame sonore, ponctuée de musique classique et de rythmes plus effrénés, les textes affutés et les comédiens au sommet de leur art sont principalement responsables de la réussite du long métrage.
Ce qu'on remarque, par contre, d'emblée c'est la profondeur de chacun des personnages. Le spectateur est d'abord amené à rencontrer Jacques, un acteur de théâtre avec des dettes de jeu, joué par Alexis Martin, qui fuit un shylock de Montréal jusque dans la neige de l'Abitibi, en costume de scène, où il rencontre Simon, un vieux grincheux solitaire (Gilles Renaud) qui fait pousser des centaines de plans de pot dans sa grange. Martin comme Renaud livrent une performance magistrale. Bien que le récit nous entraîne parfois dans la dérision et la satire, le public ne cesse jamais de croire au destin de ces deux individus, diamétralement opposés qui s'efforcent d'entretenir une saine relation « d'affaires ». Le contraste entre l'homme de la ville et celui de la campagne est fort bien imagé ici. Les deux hommes parlent un langage différent et doivent faire des efforts monumentaux pour s'apprivoiser et se comprendre.
Puis, entre Francesca. Interprétée par Emmanuelle Lussier-Martinez, la jeune revendicatrice déplace beaucoup d'air et attire, dès les premiers mots, l'attention, puis l'affection du spectateur. Le personnage pleure d'abord à chaudes larmes quand elle apprend que les deux hommes n'ont d'autres choix que de la retenir prisonnière, mais finit par se soulever contre ses ravisseurs en gueulant sa jeunesse révolutionnaire à coup d'assiettes contre les murs. Cette opposition entre la quarantaine-cinquantaine des protagonistes masculins et cette jeune vingtaine de Francesca est une avenue fort profitable pour le film, tant d'un point de vue humoristique qu'idéologique. « La jeune femme a pas de leçons à recevoir de deux vieux qui font pousser du pot dans le cul du monde », vocifèrera-t-elle se plaignant du manque d'ouverture de ses comparses.
Mentionnons également le travail impeccable de Luc Picard dans le rôle du mafioso de Montréal. À la fois menaçant et hilarant, le personnage nous donne droit à certains des meilleurs moments du film.
L'hiver aride du Québec est magnifique à travers la lentille du réalisateur Louis Bélanger. Le cinéaste, qui nous a précédemment donné Gaz Bar Blues, parvient à endimancher la saison froide jusqu'à la rendre énigmatique et attirante. Le film n'aurait certainement pas eu la même intensité s'il avait été tourné l'été. Seule ombre au tableau : quelques moments plus anodins qui allongent inutilement la production (notamment en lien avec la relation amoureuse naissante de Francesca) et une finale un peu trop sage.
Les mauvaises herbes parvient à éviter les lieux communs de manière à surprendre le spectateur à chaque tournant. Une comédie habilement filmée, jouée et servie qui saura plaire à un large spectre de cinéphiles.