Une décennie après avoir lancé la carrière de Sophie Desmarais avec Sarah préfère la course, la cinéaste Chloé Robichaud renoue avec son actrice fétiche pour Les jours heureux, un film beaucoup moins marquant.
Le long métrage se déroule dans l'univers de la musique classique et il arrive trop peu trop tard, se rapprochant davantage de l'anodin Divertimento que du magistral Tar. Comme dans le superbe opus de Todd Field, la cheffe d'orchestre lesbienne (Desmarais) est coincée dans une relation toxique de pouvoir.
Sauf que cette fois, c'est son exigeant père et agent (Sylvain Marcel) qui lui met des bâtons dans les roues. Il cherche à imposer ses choix musicaux, la manipulant allègrement. Tout n'est évidemment pas noir ou blanc. Le scénario expose le passé malheureux de l'homme qui reproduit des cycles de violence et d'intimidation. Une dynamique qui se veut lourde, psychologisante et démonstrative.
Surtout qu'elle est exprimée de façon élémentaire. La première scène montre l'héroïne qui ne sait pas nager et qui a peur sur l'eau. Pendant tout le film, elle devra apprendre à se faire confiance et à voler de ses propres ailes pour qu'à la fin, lors de la lumineuse conclusion, elle décide de changer ce qui ne va pas. Une métaphore passe-partout et rudimentaire.
Pour y arriver, elle puisera au sein de sa vie intime et personnelle qui n'est pas au beau fixe. La protagoniste voit peu ses amies (les séquences au restaurant ne manquent pas de clichés) et elle aimerait nouer une relation plus profonde avec son amoureuse, qui est une mère récemment divorcée. Non seulement cette dernière est une musicienne sous les ordres de la cheffe d'orchestre, mais elle hésite à dévoiler au grand jour son orientation sexuelle. Cela donne des scènes domestiques qui n'ont pas toujours la force requise, car elles demeurent trop en surface. À l'image de cette relation factice qui se noue entre l'héroïne et l'enfant qui la transforme du jour au lendemain.
Les excellents acteurs apportent beaucoup au récit, éclipsant presque toutes ses fausses notes. Sophie Desmarais trouve enfin un nouveau rôle au cinéma pour briller, et Sylvain Marcel est aussi charismatique que terrifiant. Un duo qui peut rappeler celui de Miles Teller et de J.K. Simmons dans Whiplash, l'intensité en moins. Le reste du casting, impeccable, se nourrit de la force vitale de Nour Belkhiria et de Maude Guérin. Dommage que des dialogues sonnent faux et qu'ils se veulent parfois moralisateurs.
La mise en scène élégante ponctuée de nombreux plans de caméra à l'épaule n'arrive pas à rendre étouffant ou oppressant ce milieu extrêmement compétitif de la musique classique. En revanche, les séances musicales sont de belle facture (le chef d'orchestre Yannick Nézet-Séguin a agit comme conseiller artistique) et l'ensemble ne manque pas de crédibilité.
Après le rafraîchissant Sarah préfère la course et l'étonnant Pays, Chloé Robichaud semble se chercher sur Les jours heureux. L'oeuvre plus rassembleuse n'est pas particulièrement transcendante et elle manque à la fois d'émotion, de folie et de complexité pour faire sa place parmi tous les bons films québécois qui ont pris l'affiche ces dernières semaines.