Qui se rappelle de The Strangers, une des nombreuses copies du troublant Funny Games de Michael Haneke? Pratiquement personne. Mais comme le film avait remporté plus de neuf fois sa mise de fonds, une suite était dans l'air depuis belle lurette. Cela a toutefois pris dix ans pour la réaliser, arrivant à une époque d'âge d'or du cinéma horrifique où l'excellent Get Out vient de remporter l'Oscar du meilleur scénario original. Mauvais timing? Absolument!
En fait, cette suite judicieusement intitulée The Strangers: Prey at Night ne fait que recycler sa propre matière première. Il y a toujours une famille divisée, un trio d'assassins (dont une jeune femme qui demande à parler à une certaine Tamara) ornés de masques morbides, des crimes violents, une succession de mauvaises décisions des héros, etc. La seule différence majeure est que l'action ne se déroule plus dans une maison, mais au sein d'un parc de maisons mobiles.
L'efficace huis clos a été abandonné au profit d'une chasse ouverte en plein air. Non seulement il y a trop de lieux pour se cacher, mais le soin apporté à l'ambiance et à l'atmosphère manque cette fois à l'appel. En se concentrant sur les dialogues débiles et les personnages sans intérêt interprétés sommairement (on retrouve même la petite fille de Don't Be Afraid of the Dark qui, en grandissant, semble avoir perdu son talent et sa fraîcheur), le scénario en vient à oublier la puissance du noir, de la suggestion et des zones sombres. De quoi aseptiser le suspense et détruire pratiquement toutes traces de frissons.
L'entrée en matière était pourtant brillante. Les cinq premières minutes sont diablement prometteuses avec cette mélodie qui singe les compositions inoubliables de John Carpenter et cette façon dont les méchants se jouent de leurs proies. C'était trop beau pour durer et la prochaine demi-heure, soporifique au possible, fait bayer aux corneilles.
Une fois que le sang commence à couler, le plaisir refait surface. S'il ne s'avère pas totalement satisfaisant, il est plutôt difficile de rechigner devant quelques séances de perçage extrême. Le long métrage est si peu cohérent dans sa logique interne qu'il est impossible à prendre au sérieux. De quoi rire à gorge déployée à de nombreuses occasions, surtout que la musique est utilisée à des fins ironiques. L'hymne Cambodia de Kim Wilde prend alors une tout autre tournure...
Il est cependant regrettable qu'on ne puisse pas compter sur une mise en scène de qualité pour élever la tension. Spécialiste de séries B avec des productions aussi peu mémorables que 47 Meters Down et The Other Side of the Door (étrangement ses premiers essais, extrêmement fauchés, s'avéraient plus intéressants), le Britannique Johannes Roberts - en remplacement du cinéaste Bryan Bertino, qui a gardé mainmise sur le script - peine à trouver ses marques et ses repères. Pour une séquence vraiment réussie, il y en a six bâclées, tuant dans l'oeuf le potentiel d'enrichir cinématographiquement le sujet.
Alors que le premier The Strangers s'apparentait à une tragédie lugubre, sa suite ressemble plutôt à une simple farce. Prey at Night n'a tellement rien à dire de nouveau qu'il ne fait que piller le passé. Il y a du Wes Craven par-ci, un hommage à George Franju par là, et surtout beaucoup d'Halloween, jusqu'à en détourner son thème musical et ses crimes, où la mort frappe au hasard, peu importe le comportement répréhensible des êtres en place. Sauf que ça, on le sait depuis au moins une décennie. L'offre dans le genre est tellement abondante et de grande qualité qu'on ne voudra pas nécessairement s'attarder à cet effort qui arrive beaucoup trop tard pour satisfaire réellement.