Anik Jean a fait ses devoirs avant de se lancer dans son premier long métrage. Elle a réalisé des courts, puis un moyen métrage avant de s'attaquer à une oeuvre présentée à grande échelle dans les cinémas. Le choix du bon scénario n'a pas été pris à la légère non plus. Les hommes de ma mère représentait exactement ce qu'elle souhaitait comme « premier film ».
À la mort de sa mère, Elsie apprend que celle-ci lui a laissé une mission en héritage, celle de retrouver ses cinq ex-maris et de trouver, avec chacun d'eux, un endroit approprié pour répandre une partie de ses cendres. La jeune femme à l'aube de la trentaine doit donc reconnecter avec ses anciens beaux-pères, et son père biologique (Patrick Huard), dans des circonstances pour le moins inopinées. Ce voyage l'aidera à apprivoiser certains de ses démons et à se lancer, tête première et plus sereine, dans une nouvelle étape de sa vie.
Léane Labrèche-Dor interprète une Elsie intrépide et endurcie qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. La fragilité et l'humanité qu'elle déploie au fil de ses retrouvailles avec les anciens maris de sa mère s'avèrent extrêmement touchantes. Avec plusieurs d'entre eux, on retrouve dans son regard la petite fille qu'elle était à l'époque de leur première rencontre. C'est notamment le cas avec Colm Feore, qu'elle regarde de façon attendrissante.
Si chacun des tête-à-tête apporte son lot de scènes remarquables et de moments émouvants, c'est le personnage de Marc Messier (premier mari) qui nous a le plus chavirés. Le comédien excelle dans le rôle d'un homme âgé prisonnier de sa petite chambre dans une résidence où personne ne vient le visiter. Entre démence et raison, il développe un lien tendre avec Elsie. On doit aussi souligner le jeu sobre et vibrant de Patrick Huard. Il marche sur des oeufs face à sa fille, qui lui en veut encore d'avoir refait sa vie avec quelqu'un d'autre. Leur relation est complexe, poignante. Bien des gens se reconnaîtront certainement dans celle-ci.
Comme Anik Jean est une autrice-compositrice-interprète, on n'est pas surpris que la musique soit aussi omniprésente dans son film. La trame sonore, autant les compositions instrumentales originales que les titres connus, intensifie les différentes émotions véhiculées. Si on ne pleure pas à s'arracher l'âme dans Les hommes de ma mère, on a souvent les yeux bercés de larmes, soit sous l'effet de la beauté ou de la tristesse. Il faut d'ailleurs savoir que le film commence de façon plutôt brutale. Ceux qui auront été de proches témoins de l'aide médicale à mourir pourraient avoir du mal avec cette introduction bouleversante.
Même s'il y a beaucoup de lumière dans Les hommes de ma mère, le drame, parfois « mélo », reste omniprésent. Quelques touches d'humour supplémentaires auraient pu apporter une certaine souplesse bienvenue au scénario. Puis, l'histoire d'amour entre Elsie et le fils d'un ancien mari de sa mère n'est pas aussi crédible qu'on l'aurait souhaité. Il y a beacoup de rigidité dans cette relation (en partie expliquée par les non-dits) qui agace un peu.
Chose certaine, Anik Jean a relevé haut la main le défi colossal du premier long métrage. On a déjà hâte de voir ce que cette réalisatrice prometteuse nous livrera la prochaine fois.