Difficile de s'affranchir du nom familial. Quelques semaines seulement après la sortie de Humane de Caitlin Cronenberg, c'est au tour d'Ishana Shyamalan de marcher dans les plates-bandes de son célèbre paternel avec The Watchers, un conte de fées pour adultes plus intrigant qu'effrayant qui n'est pas sans évoquer The Village et Knock at the Cabin.
L'introduction du récit ne tarde pas à piquer la curiosité. Un homme cherche son chemin dans une forêt qui se referme sur lui. Il semble tourner en rond, fuyant des ténèbres prêtes à le trucider à chaque tournant. Impossible de fuir son destin et, tôt au tard (ici, plus tôt que tard), le passé aura le dernier mot, d'une façon violente et définitive.
C'est dans cette forêt que trouve refuge Mina (Dakota Fanning). Au lieu de commémorer le décès tragique de sa mère, elle a opté pour un moment de solitude, n'ayant comme seul compagnon un perroquet. Sauf que ce lieu est définitivement trop « intense » pour des gens qui aspirent faire de vieux os, et elle doit trouver une façon de s'en extirper avant de perdre la tête... ou plus encore.
Son salut passe par une cabane isolée où l'attendent trois inconnus qui sont dans la même situation qu'elle. Ils lui expliquent que de mystérieuses créatures rôdent et qu'à la tombée du jour, ils viennent les visiter. Ils les guettent par l'entremise d'un miroir, jouant les voyeurs toute la nuit...
Deux films bien différents cohabitent au sein de The Watchers, qui est basé sur le livre du même nom d'A.M. Shine. Il y a celui plus tendu, qui laisse la place à l'horreur folklorique. Si le ridicule n'est jamais bien loin avec cette quantité incroyable de sursauts gratuits et de développements risibles, quelques moments font battre le coeur plus rapidement. L'anxiété mène le bal et c'est elle qui rend inconfortable, procurant une tension certaine à un exercice qui n'est pas dénué d'humour et de satire.
L'ensemble a tôt fait de se prendre au sérieux en multipliant les métaphores un peu lourdes et pompeuses sur le deuil. La forêt est le terrain de jeu propice aux hallucinations (bonjour Solaris), et le miroir permet de confronter ses peurs. Il est le reflet du jugement des autres et de soi, grugeant l'identité jusqu'à la morceler. Une dualité qui n'est pas sans rappeler celle du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde.
Pour s'en extirper, il faut briser une bonne fois pour toute la représentation (qui est une façon de se protéger devant tous ces guetteurs) et revenir à son essence propre. Panser ses plaies et faire la paix avec son passé. Une évolution d'émotions qui est palpable dans le jeu de Dakota Fanning. Après des débuts remarqués dans I am Sam, l'actrice a toujours évolué dans l'ombre de sa jeune soeur, Elle Fanning... et elle finit par s'en accommoder, trouvant parfois des rôles - comme c'est le cas ici ou dans la série Ripley - qui la font briller.
Même si elle n'en est qu'à son premier long métrage, Ishana Shyamalan ne manque pas d'ambition dans sa mise en scène, qui arrive à sublimer le scénario en place. La photographie d'Eli Arenson (qui a travaillé sur l'inquiétant Lamb) s'avère superbe à bien des égards, notamment dans sa façon de créer des zones sombres menaçantes. Puis il y a le rythme alerte du montage, où vient se greffer la bande sonore particulièrement mélodique d'Abel Korzeniowski (Till, A Single Man).
Évidemment, il faudra attendre un peu avant de parler d'une vision qui lui est propre. Si The Watchers évoque certains thèmes des chef-d'oeuvres d'Hayao Miyazaki, il renvoie surtout à la mythologie de son père, M. Night Shyamalan. Celui de la foi et de la croyance envers l'indicible. De Old à Lady in the Water, le film semble s'amuser à cultiver les hommages et les clins d'oeil. Jusqu'à sa finale surprise plus ou moins réussie qui n'est pas sans rappeler celle de Signs.
Le résultat, bien divertissant sans être particulièrement mémorable ou remarquable, est une agréable introduction à une cinéaste talentueuse qui saura un jour, on l'espère, s'affranchir du poids de son nom et devenir autre chose que la « fille de ». Sofia Coppola y est parvenue, alors pourquoi pas Ishana?