Manipulateur et pouvant compter sur une belle brochette de vedettes, Les frères Bloom joue le jeu de carte de l'illusion cinématographique, plaçant le spectateur face au fait accompli : le cinéma manipule. Et il le fait bien. Mais Les frères Bloom n'a finalement qu'un seul truc : le montage cachottier, tant et si bien qu'à cette rafraîchissante comédie des premiers instants bourrée de promesses, et par un subterfuge bien trop simple, on subtilise vite fait une histoire d'amour aux accents d'accomplissement de soi. Ronflant.
Stephen et Bloom ont été trimballés d'une famille d'accueil à l'autre dans leur enfance. C'est là qu'ils ont développé leur talent de manipulateurs. Stephen a toujours un plan et Bloom, qui commence à en avoir assez, le met en application merveilleusement à chaque fois. Comme dernier coup, les deux frères décident de frauder une milliardaire américaine, Penelope, et de la trimballer à travers toute l'Europe. À moins que ce soit la jeune femme qui ait tout prévu...
N'être jamais là où on l'attend, ça peut aussi parfois être une erreur, en ce sens que pour s'en éloigner à tout prix on est prêt à faire à peu près n'importe quoi. Les nombreux personnages faussement mystérieux qui peuple Les frères Bloom arrivent avec leur air patibulaire et plein de promesses : qui, quoi, comment, que se passera-t-il? Qui dit vrai? Rien ni personne, finalement, ce qui fait du film un L'inconnu de Las Vegas moins énergique et moins bien rodé. À force de multiplier les pistes (et de toutes les abandonner en cours de route), on perdra bon nombre de spectateurs, immanquablement déçus.
Soudain, le style prend le dessus sur tout le reste, et le faux, le factice, infecte tout du film. Dommage, parce que jusque là, l'efficacité des dialogues et la candeur des comédiens, en particulier la délicieuse Rachel Weisz, faisaient de ce long métrage une expérience incongrue à souhait, ludique et presque burlesque. En utilisant brillamment l'arrière-plan, le réalisateur Rian Johnson ajoutait un humour fin bienvenu. Mais la chute se fait dans la confusion la plus totale, entre vrai et faux. Si l'intention est bonne, l'application est plus hasardeuse.
Adrian Brody trouve ici l'un de ses plus intéressants rôles, en ce sens qu'il est forcé de jouer constamment sur deux tonalités différentes, et il est fort efficace dans les deux cas. On l'a déjà dit, Weisz l'est également, avec cet air faussement ingénu qui n'est malheureusement pas suffisamment exploité. Ruffalo, plus effacé, n'est pas mauvais non plus. De toute façon, ce ne sont pas les comédiens qui nuisent au film, mais le ton qui n'est jamais cerné, d'autant que de nombreux symboles, très intelligemment dispersés cela dit, viennent en premier lieu ajouter au long métrage, plus lui nuire dans un excès de métaphores simplistes. Dommage.
Puis on se rend compte que le film aurait pu avoir sept ou huit fins différentes, qu'il les a probablement quelque part et qu'elles seront sans doute sur le DVD. Espérons qu'on pourra en trouver plus satisfaisante que celle-ci.