Une panthère sème l'inquiétude dans Les fauves, le mystérieux second long métrage d'un talentueux cinéaste français.
Une adolescente (Lily-Rose Depp) profite de ses vacances d'été pour mettre du piment dans sa vie. C'est possible depuis qu'elle a croisé le chemin d'un chasseur (Laurent Lafitte) qui tente de mettre la main sur une bête sauvage responsable de la disparition de plusieurs personnes.
Quel est le meilleur moyen d'échapper à la morosité de l'âge adulte, d'enjoliver cette existence trop souvent cartésienne dénuée de mystère et de surprise? Peut-être en renouant avec son enfant intérieur, celui qui est capable de s'émerveiller et de réenchanter un monde différent où le mythe a sa place.
Il faut toutefois jouer le jeu pour que cela se concrétise. Courte et absconse, cette production au rythme parfois incertain semble manquer de contenu, élaborant des propositions qui sont trop souvent laissées en plan. C'est toutefois cette façon de distiller les indices et de se dérober qui la rend si intrigante, à défaut d'être complètement convaincante. Comme sur son précédent Tristesse Club, le réalisateur Vincent Mariette use de subterfuges et de simulacres afin de manipuler le spectateur. Pas en l'envoyant sur de fausses pistes (quoique), mais en ouvrant un riche univers des possibles, où tout peut pratiquement arriver.
Le plaisir sera évidemment renforci en adhérant à la démarche de l'héroïne. Son point de vue volontairement ambigu crée de facto une aventure mentale hors de l'ordinaire qui oblige le cinéphile à tout remettre en question. Pour y arriver, il fallait une actrice qui monopolise tous les regards. C'est le cas de la fascinante et hypnotisante Lily-Rose Depp. Opaque et dénué d'émotion, le jeu de la fille de Vanessa Paradis et de Johnny Depp n'est pas toujours senti. Sauf qu'elle est filmée avec un tel soin que son aura transcende l'écran.
C'est elle qui mène le bal, donnant du sens (ou pas) à ce qui arrive, se transformant littéralement aux moments opportuns. Les métaphores et symboles autour de cette panthère sont nombreux. Surtout au sein d'un récit d'initiation sur les premières fois et la perte d'innocence, celle-là même qui flirte avec le fantasme, l'excitation et les sous-entendus sexuels. Un peu plus et l'on se croirait devant une variation de Cat People, cette oeuvre culte de 1942 sur une femme féline bien spéciale.
Délicat et sensuel, le climat est développé de manière minimaliste, autant par de lancinantes mélodies que des éclairages hantés qui confèrent une étrangeté certaine. L'ombre de The Virgin Suicides plane à l'horizon, qui serait corrompue par David Lynch, éléments de suspense romantique et d'humour absurde compris.
À prendre au pied de la lettre ou selon le prisme d'un réel enchanté et fantasmé, Les fauves est un petit film simple en apparence qui se complexifie selon la bonne volonté des gens qui le regardent. Comme dans l'immense Burning de Lee Chang-dong, de la fiction insoupçonnée semble se créer sans crier gare, seulement pour bouleverser un quotidien plat et moribond. N'est-ce d'ailleurs pas l'essence même du cinéma de faire croire ce qui n'est pas toujours tangible, d'offrir de la magie là où il n'y en a peut-être pas?