Steven Spielberg devient le sujet de son nouveau film dans The Fabelmans, un drame familial tendre et émouvant qui est loin du coup de coeur annoncé.
Le long métrage débute avec une scène similaire au Belfast de Kenneth Branagh, alors qu'un jeune garçon (alter ego du cinéaste) va au cinéma pour la première fois. Il faut voir son visage s'illuminer dans le noir, alors qu'il vient soudainement de trouver sa vocation. Une entrée en matière particulièrement inspirante.
Le reste de l'ouvrage fait un aller-retour constant entre sa passion et sa jeunesse auprès de sa famille. Ce désir d'exercer son art, encouragé par maman l'artiste au grand dam de papa le scientifique. Des séquences qui portent notamment sur le montage et le jeu d'acteurs. Les fans du créateur de Jaws et d'E.T. seront au septième ciel avec tous les hommages et les clins d'oeil. Il y en a tellement qu'il faudra sans doute plus d'un visionnement pour les noter, tout comme les références au septième art de cette époque (les années 50 et 60). Surtout que le scénario rappelle que le cinéma aide à mieux vivre, pouvant être le révélateur du drame mais également sa façon de le régler.
En revanche, la partie humaine est beaucoup plus conventionnelle. Il s'agit du récit d'apprentissage et d'initiation classique et attendu. Le jeune héros qui apprendra les joies et les tristesses du monde, développera son identité et découvrira que tout n'est pas nécessairement rose parmi les siens. Le tout servit par des dialogues didactiques et moralisateurs qui multiplient les poncifs du genre: « Tu dois faire ce que ton coeur te dit de faire ». On est loin de la noirceur d'Armageddon Time.
Évidemment, Steven Spielberg, 75 ans, demeure un cinéaste virtuose et tout ce qu'il présente à l'écran est impeccable, autant la photographie de Janusz Kaminski que la musique de John Williams. Une technique irréprochable qui manque justement de la folie de son sujet, qui aurait mieux incarné ses idées. N'est-ce pas le cas de ses dernières réalisations depuis Munich en 2005? Par exemple, la magie du chef-d'oeuvre West Side Story original était remplacée par une vision plus terre à terre de la société dans son solide remake.
Surtout que la chronique sur la jeunesse s'échelonne sur 150 minutes et qu'elle traîne souvent en longueur, présentant des moments qui servent peu à l'histoire (la passe des ongles, la fascination pour Jésus.). Déjà que le rythme est déficient, la production finit par manquer de souffle dans son troisième et dernier tiers qui se déroule en Californie. Les clichés y abondent et l'effort ne semble jamais savoir comment se terminer. Il le fait heureusement d'une façon savoureuse qui plaira d'abord et avant tout aux cinéphiles adeptes de vieux classiques.
The Fabelmans n'est pourtant pas un mauvais film, loin de là. Il est sensible et intelligent, porté par d'excellents acteurs. De Paul Dano en père sévère à Seth Rogen en oncle plus rigolo, en passant par Gabriel LaBelle qui campe avec fougue l'intrépide héros, l'interprétation s'avère de premier ordre. La palme revient toutefois à la mère Michelle Williams, la véritable conscience du long métrage et la seule capable d'amener l'émotion, même si elle finit par se noyer dans le sentimentalisme.
Passant son temps entre le rêve du cinéma et la réalité de la famille, The Fabelmans demeure en fin de compte un essai bien sage de la part de Steven Spielberg, qui semble avoir perdu son coeur d'enfant et son émerveillement d'antan. À tel point que c'est principalement ses fans invétérés qui en soutireront le plus de plaisir.