Un petit manque de courage.
On se plait souvent que les longs-métrages soient trop généreux en durée, que les réalisateurs ne savent pas couper dans le gras; en gros que beaucoup de films aient des longueurs. Même si dans certaines œuvres, il faut avouer qu’elles peuvent être pleinement justifiées par le fait qu’il y ait un aspect contemplatif, qu’il faille laisser le temps au spectateur de digérer ou tout simplement que la durée permette une meilleure immersion. Il est en revanche beaucoup moins courant de constater qu’un film soit trop courte et qu’il laisse l’impression qu’il lui manque des scènes. C’est exactement le ressenti que l’on a avec le premier film de Jasmin Gordon.
Le long-métrage commence de manière brutale, sans rien à quoi se raccrocher, à tel point qu’on a l’impression que le début a été oublié au montage. On ne comprend pas bien ce qui se passe et il faut du temps pour se mettre dans la narration brusque et directe proposée par « Les Courageux ». De la même manière, la fin est tout aussi abrupte, nous laissant une impression de frustration et d’inachevé quelque peu décevante. Et si parfois il est agréable de se faire ses propres déductions, il manque clairement de clés de compréhension dans les enjeux du film. Par ricochet, on a du mal à saisir pleinement les motivations et la logique des agissements de cette mère qu’on ne cerne pas. Un rebondissement vient éclairer le personnage en milieu de film mais pour nous laisser sur le carreau du pourquoi et du comment. On se doute bien que ces choix sont volontaires mais ce n’est pas vraiment agréable et cela joue contre « Les Courageux ».
Si ce n’est ce défaut extrêmement préjudiciable au film (sans cela il aurait été vraiment recommandable), on prend plaisir à suivre cette famille dysfonctionnelle où une mère courage mais pas très claire se bat pour (sur)vivre. Et comme « Les Courageux » se situe en Suisse, il est peu commun de voir un long-métrage sur la précarité dans ce pays riche auquel la région du Valais donne un cachet rare et unique (précisons même qu’il est rare, tout simplement, qu’une production du pays helvète se fraie un chemin dans les salles). On perçoit donc clairement la difficulté de joindre les deux bouts quand on est une femme seule avec trois enfants sans travail dans ce pays riche tout comme n’importe où. C’est le sujet du film, ces inégalités sociales, et c’est parfaitement dépeint.
Ophélia Kolb, l’actrice française vu dans (entre autres) l’excellente série « 10 pour cent », est admirable dans la peau de cette maman qui frôle constamment les limites de la loi pour subsister. Pas forcément aimable à travers le personnage qu’elle incarne, faute de points de points d’empathie fournis par le script, mais excellente. Les enfants, très naturels, sont de bons jeunes comédiens aussi. Le tout est rythmé, parfois proche dans la manière d’être filmé du cinéma des frères Dardenne mais avec une forme plus travaillée. « Les Courageux » est conséquemment un petit film prometteur et généralement intéressant qui pêche surtout par ses trous de scénario et son format trop court.
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