L'idée très poétique du temps que l'on a en trop, qui nous étouffe à la retraite, l'idée que toute sa vie on a cherché à en avoir plus, mais qu'à la fin, sa torpeur nous étrangle et nous aveugle est très intéressante à exploiter artistiquement, au cinéma ou ailleurs. Marion Vernoux le fait ici de belle façon en adaptant au grand écran le roman Une jeune fille aux cheveux blancs de Fanny Chesnel. Le film (et le livre) dépeint l'histoire d'une femme de 60 ans qui a récemment pris sa retraite et qui fréquente un endroit appelé Les beaux jours où des gens de son âge s'adonnent à des activités diverses. Elle y rencontre un jeune homme avec qui elle entretient une relation libidineuse qui lui permet de se sentir jeune à nouveau.
Fanny Ardant est extraordinaire dans le rôle principal. Son jeu est rempli de nuances et nous permet de mieux comprendre le débat intérieur du personnage, ses convictions et ses démons. Sa voix rocailleuse apporte aussi beaucoup à son alter ego en pleine crise existentielle. Elle développe aussi une chimie très intéressante avec Laurent Lafitte, qui interprète son jeune amant, et avec Patrick Chesnais, qui personnifie son mari.
Les paysages, la musique (dont une superbe version de la chanson Le vent nous portera), les textes, la caméra caressante, tous les éléments sont réunis pour démontrer la pesanteur du temps qui passe. Les beaux jours n'est donc pas un objet particulièrement dynamique, il est davantage une oeuvre contemplative. Dans ce type de production, il n'est pas rare d'y retrouver des longueurs, des passages languissants qui semblent interminables pour le spectateur habitué de consommer du cinéma de divertissement. Les beaux jours ne fait pas exception et contient plusieurs moments axés sur la réflexion et l'introspection. Dans le contexte, ces passages sont plutôt efficaces. Ce n'est que vers la fin que la monotonie s'installe et qu'on espère la conclusion de cette histoire, somme toute, plutôt banale (ce qui ne signifie pas, évidemment, inintéressante). Mais, même si on en vient à désirer ce dénouement, il n'en est pas moins décevant; trop simple et trop léger pour la profondeur du drame auquel on nous a confrontés tout au long du film.
Aussi, l'un des points positifs du film est qu'il ne cherche pas à remettre en question les gestes du personnage, ni à poser un jugement sur ces derniers. Il ne veut pas nous faire la morale, comme c'est souvent le cas dans ce genre de drame traînant, il veut simplement raconter une histoire et le fait sans fioritures ni grand décorum. Lorsqu'il est question d'adultère, nous avons généralement droit à des scènes de ménage hystériques, mais ici, on a décidé d'abandonner les coups d'éclat pour se concentrer sur le ressenti d'une protagoniste amère et défaite par le temps qui passe... trop vite et trop lentement à la fois.
Les beaux jours est un film délicat, sans prétention, humain, mais peut-être trop prosaïque pour devenir mémorable et trop traînant pour gagner les moins convaincus par un style plus introspectif.