David Fincher est l'un des plus grands réalisateurs de sa génération. Il est vénéré autant par le public que par les critiques, et il mérite amplement toute cette attention. Après s'être attaqué à un conte moderne grandiloquent (The Curious Case of Benjamin Button), un drame biographique sur l'un des jeunes révolutionnaires les plus importants du XXIe siècle (The Social Network) et un remake d'un film suédois marquant et décapent (The Girl with the Dragon Tattoo), nous étions en droit de nous demander ce que Fincher ferait de cette histoire en apparence assez banale, inspirée d'un livre d'une presque inconnue. Mais au fond de nous, nous avions confiance en lui - il ne nous a jamais déçus - et savions qu'il saurait nous convaincre que cette histoire n'a rien de banal. Et nous avions tellement raison!
Gone Girl, même si il ne s'agit pas de la meilleure oeuvre de la filmographie de Fincher, nous transporte dans un voyage incroyable entre émotion et suspense, entre drame et folie. La plus grande qualité de la production est sans contredit sa réalisation, sa photographie parfaite; proprette et aseptisée pour représenter cette illusion d'une vie sans anicroche. Le générique d'ouverture qui présente des plans fixes de quelques secondes, comme un album d'une existence vide de sens, est une introduction idéale à ce récit tordu. Tous les cadres présents dans ce film paraissent réfléchis et logiques. Dans un long métrage de ce genre, où le mystère est d'une importance presque équivalente à la cohérence actancielle, il faut une perspicacité cinématographique unique pour arriver à nous maintenir en haleine et nous faire douter des véritables intentions des personnages. Dans sa manière d'approcher l'image, Fincher nous confronte au doute. Jusqu'à ce que la vérité soit révélée, nous changeons continuellement notre fusil d'épaules, blâmant les uns et louangeant les autres pour un crime dont nous ne comprenons pas les assises.
L'auteure du livre originale a aussi écrit le scénario du film. Bien qu'il est construit intelligemment et en parfaite concordance avec la réalisation de Fincher , il renferme quelques longueurs inutiles et sa constitution, en trois blocs, fait parfois défaut. Le mystère, celui qui nous tenaille et nous force à nous tenir sur le bout de notre chaise, n'est pas maintenu suffisamment longtemps pour que l'étonnement nous gagne. La résolution de l'énigme se fait en milieu de parcours, alors que les pistes de dénouement s'échafaudaient nonchalamment dans notre esprit. Peut-être est-ce une manière de déstabiliser le spectateur que de lui donner les clés de l'intrigue si tôt, mais nous aimions ce sentiment d'incertitude qui nous habitait, et cette confusion qui nous rongeait de l'intérieur.
Encore une fois, la musique de Trent Reznor et d'Atticus Ross colle merveilleusement à la photographie de Fincher et à l'atmosphère angoissante qu'il veut donner à ses images. Il s'agit d'un trio gagnant qui a prouvé à maintes reprises son efficacité, et qui, encore ici, corrobore l'importance de la trame sonore et son pouvoir attractif.
Gone Girl s'adresse à tous les publics, cinéphiles ou néophytes, adolescents ou grands-parents. C'est la qualité qui fait le meilleur marketing et la plus efficace des campagnes publicitaires. Et dans ce cas-ci, elle est tellement évidente, tellement indéniable, qu'elle saura très certainement convaincre n'importe qui ayant un tant soit peu d'intérêt pour le septième art. Gloire à M. Fincher!