Plonger dans l'univers de Fantastic Beasts offre toujours son lot de sentiments contrastés. Surtout pour quiconque a aimé son modèle Harry Potter.
C'est d'ailleurs maintenant qu'on réalise que les huit premiers films (enfin, peut-être pas le quatrième, mais les autres) ont été faits pour les bonnes raisons. Les histoires s'avéraient généralement profondes et cohérentes. L'intérêt envers les personnages croissait au fil de la série, alors que les effets spéciaux venaient soutenir admirablement cet univers magique sans prendre toute la place. Tout le contraire de Fantastic Beasts.
On pouvait pardonner les nombreuses erreurs du premier tome, qui a pris l'affiche en 2016. Il n'y a rien de plus difficile que de remettre les compteurs à zéro, surtout pour un antépisode. Cela prend du temps pour bien poser les bases du récit, présenter ses héros et développer leurs quêtes. Rien de tout cela n'est encore au point dans sa suite The Crimes of Grindelwald, qui débute six mois après son prédécesseur avec l'évasion du méchant mage Grindelwald.
J. K. Rowling est peut-être une brillante écrivaine, mais elle a encore des croûtes à manger comme scénariste. À quoi bon suivre autant de personnages différents, créer des intrigues et des sous-intrigues si c'est pour oublier la principale? Le risque est grand de demeurer en surface et c'est ce qui arrive. Ce schéma de feuilletons digne d'une série télévisée ne fait pas bonne figure au cinéma. Si en plus on étire sur cinq films une idée qui aurait fait un excellent long métrage seulement pour s'en mettre plein les poches... Cela ne prendra donc pas trop de temps avant de constater qu'il ne se passe rien de très important ici.
Il y a pourtant de l'action à revendre. Entre la spectaculaire introduction et cette conclusion qui donne le goût d'en savoir davantage, il y aura des combats de bêtes fantastiques qui semblent s'être échappées des Pokémon et des révélations familiales à la Star Wars. Les effets spéciaux mènent le bal et on ne voit qu'eux. Au même titre que la formidable direction artistique, la photographie soignée, les costumes somptueux, etc. Tout cela sert à dissimuler la fadeur des enjeux, où l'intérêt naît ici et là, mais sans former un tout ordonné tant le brouillon en place n'a aucune autre fonction que de ravir les fans avec des clins d'oeil à la tonne et de rappeler l'importance de la suite en 2018.
Cela ne fait pas nécessairement de Fantastic Beasts: The Crimes of Grindelwald un mauvais film pour autant. Comme simple divertissement, il y a eu bien pire. Les animaux mignons et l'humour puéril plairont aux plus jeunes, pendant que les plus vieux auront leurs moments sombres. L'ensemble est suffisamment beau et trépidant pour qu'on veuille s'y perdre.
Sauf qu'on n'en retient presque rien et il n'est pas rare d'avoir l'impression de tourner en rond. La réalisation de David Yates - qui est rendu à son sixième long métrage de la série - est bien huilée, mais ne surprend jamais. Ce qu'on peut s'ennuyer de l'époque d'Alfonso Cuaron! Surtout que les bons acteurs sont trop à l'étroit dans la peau de ces archétypes. Dès qu'on commence à s'attacher à Jude Law en Dumbledore, il s'éclipse pour laisser la place à des personnages moins captivants. Et prendre comme point d'ancrage le fascinant méchant campé avec verve par Johnny Depp plutôt que le plus fade héros Norbert Dragonneau (Eddie Redmayne n'est pas toujours à son avantage) aurait certainement amené un semblant de tension.
Fantastic Beasts est donc à Harry Potter ce que le Hobbit était à Lord of the Rings: un dérivé de qualité inférieure qui dilue la sauce jusqu'à en extraire une partie essentielle de sa saveur. Tout n'est pas perdu, il reste encore trois films pour changer la recette et revenir aux sources. Mais le temps commence à presser.