* Vu au Festival du Film de Toronto 2017
Pour faire un film de genre au Québec, il faut avoir de l'audace, de la vision et, certainement, un peu de folie. On se demande même si l'horreur a déjà été abordée en long métrage. Il y a bien eu ces adaptations des livres de Senécal (Sur le seuil, 5150 rue des Ormes, Les sept jours du Talion) et quelques tentatives fantastiques peu convaincantes ces dernières années, comme Le poil de la bête ou bien Chasse-Galerie : La légende, mais l'horreur dans sa plus simple expression n'a pas été traitée souvent au grand écran, en dépit du grand intérêt des Québécois pour ce genre spécifique.
Voilà que Robin Aubert - armé d'audace, de vision et de folie - décide de remédier à la situation en proposant un film de zombies. Comme les morts-vivants sont à la mode depuis quelques années, notamment grâce à la montée en puissance de Walking Dead sur les ondes hertziennes, le public sera d'autant plus critique envers les monstres d'Aubert. Rassurez-vous, celui-ci n'a pas dénaturé le zombie. Au Québec, les morts-vivants courent, crient, se nourrissent de chair humaine et sont attirés par le bruit. Rien là pour offenser les férus du genre.
Les friands d'épouvante seront servis avec Les affamés. La tension dramatique est à son comble de son amorce surprenante à sa conclusion déchirante. Ceux qui aiment sursauter au cinéma seront emballés par la proposition angoissante de Robin Aubert. Bien que l'hémoglobine coule à flots tout au long du film, le réalisateur nous épargne tout de même les massacres les plus sauvages en détournant sa caméra de l'hécatombe. N'ayez crainte, entendre le bruit des machettes, des fusils ainsi que les cris des victimes et ceux de leurs bourreaux est bien suffisant pour engendrer des frissons.
Les affamés nous surprend aussi grâce à son humour déconcertant. Le personnage de Marc-André Grondin raconte souvent des blagues qui seraient insipides et pathétiques dans n'importe quel autre contexte, mais qui deviennent hilarantes dans ce cadre post-apocalyptique. On rit fort dans Les affamés; probablement un mélange de malaise et d'étonnement. Le film d'horreur arrive aussi à transmettre l'émotion. Il est fort probable que, comme moi, vous vous étonniez de sentir des larmes couler sur vos joues à la fin de la projection.
Tous les acteurs livrent une performance magistrale, à commencer par Marc-André Grondin, qui étonne dans le rôle d'un homme ordinaire, amateur de science-fiction, qui s'efforce de garder espoir dans un monde en dangereuse perdition. Monia Chokri, Brigitte Poupart, Marie-Ginette Guay et Micheline Lanctôt sont également épatantes sous les traits de survivantes dépassées par les récents évènements, mais déterminées et tenaces.
Bien sûr, Les affamés est aussi un film d'auteur. Il y a davantage de contemplations et de spéculations silencieuses dans ce film que dans une production hollywoodienne boostée aux stéroïdes par des studios cupides. Mais, il ne faut pas avoir peur de l'appellation « film d'auteur » parce qu'on retrouve dans Les affamés tous les composés d'un bon film d'horreur; des monstres, du sang, des cris, du suspense et bien plus. Robin Aubert a réussi sa mission en livrant un film de genre audacieux et efficace qui plaira autant à ceux qui sont attirés par les qualificatifs « auteur » que « horreur ».