Lorsque The Hangover avait pris l'affiche dans les salles à l'été 2009, beaucoup avaient été immédiatement séduits par l'efficacité de son rythme, la qualité de son humour et, surtout, par ses nombreuses surprises qui surpassaient la plupart des barrières communes de la comédie américaine. Le deuxième opus n'était, certes, pas nécessaire; l'histoire avait été habilement close et aucune information concernant le destin des protagonistes n'était restée incomplète. Évidemment, personne ne sera étonné d'apprendre que la franchise a été construite dans un esprit mercantile bien plus qu'artistique, et personne non plus ne reprochera à Warner Bros. d'avoir tenté deux coups de circuit consécutifs; l'opportunité était bien trop belle pour la laisser passer. Mais ces trois hurluberlus avaient-ils encore des choses pertinentes à raconter? Curieusement, il semblerait que oui. Bien évidemment, ce nouveau volet n'est pas à la hauteur du film original, mais cet aplomb, cette audace si caractéristique à l'univers de Todd Phillips, n'est pas complètement disparue dans les rouages d'Hollywood et ses impératifs économiques.
Le problème le plus évident est probablement la similarité déconcertante entre la structure narrative du premier film et de sa suite. Malgré le contexte géographique différent (Las Vegas/Bangkok), les protagonistes sont victimes d'incidents semblables et le récit est construit selon un canevas identique - de l'appel de téléphone initiateur au diaporama impudique lors du générique final. Bien que cette redondance aurait pu coûter du charme et de la fraîcheur à l'oeuvre, elle est bien canalisée grâce à l'abrutissement (amusant) des personnages, qui se retrouvent, sans souvenir, dans une situation pire que celle qu'ils ont vécue dans la capitale mondiale du jeu. D'entendre un Bradley Cooper désemparé tenter d'expliquer en amorce que la situation illogique dans laquelle ils avaient été entraînés il y a quelques années s'est à nouveau produite en Asie, est, immanquablement, amusant pour tous ceux qui avaient été charmés par leur première aventure. Le magnifique décor thaïlandais était une entrée en matière plutôt riche pour des blagues sur nos différences culturelles - à Las Vegas, on vole un tigre du Bengale chez Mike Tyson, à Bangkok on emporte plutôt un moine muet handicapé qui flânait dans les jardins d'un temple.
On réussit à pousser l'absurde si loin, à élaborer des circonstances si insensées, que le récit finit par devenir crédible. Comme si l'univers était tellement saugrenu et déséquilibré qu'il ne pouvait qu'être vrai, ou du moins plausible - quand le seul indice sur la disparition du petit frère de ta fiancée est un doigt coupé entre les mains d'un singe vêtu d'une veste en jeans, on peut dire que l'intrigue s'annonce extravageante. Le film n'est, par contre, pas aussi bien ficelé que le premier chapitre. Certaines longueurs à la mi-parcours - notamment les quelques séquences impliquant « l'homme d'affaires », joué par Paul Giamatti - nuisent inévitablement au rythme du récit.
Plusieurs éprouveront un sincère bonheur en retrouvant ces trois imbéciles au grand écran. Le long métrage est peut-être moins compétent que l'original - parce que plus prévisible - et certaines scènes n'obtiennent sans doute pas l'effet escompté, mais Phillips a invariablement un don pour la comédie et réussit assez aisément à nous faire oublier les quelques défauts de l'oeuvre pour nous amener à apprécier l'histoire dans son ensemble, qui est, avouons-le, encore incroyablement drôle. Un singe qui mordille un pénis, c'est drôle dans toutes les langues...