Bonne idée mais exploitée
Je me suis fait rouler par la bande-annonce, persuadé d’aller voir une comédie loufoque, un genre de Star Wars fauché dans la France rurale, tourné comme un film amateur, où des non-acteurs côtoient des vedettes comme Fabrice Luchini. Bref, j’étais vendu.
Il y a tout ça oui, mais c’est lourd au possible. Les scènes s’étirent en longueur. Le montage est fade, les filles se déshabillent trop, le ton lubrique du film m’a dérangé. On dirait que le réalisateur en profite. L’Empire a la consistance d’un court-métrage qu’on étire au montage. Pas fâché de l’avoir vu, mais ça demeure une idée non-aboutie.
La soupe aux moules.
Alors ce film-là, il fallait vraiment oser. Et même tout simplement en avoir l’idée tellement c’est perché à tous les niveaux. Imaginez le croisement improbable entre « Dikkenek » et « Bienvenue chez les Ch’tis » pour le côté nordiste, patois et personnages prolétaires avec la saga « Star Wars »! Oui, oui, vous avez bien lu! Et « L’Empire » de se positionner (un peu) comme « La Soupe aux choux » du XXIème siècle. Après, il faut avouer qu’on n’est pas trompé sur la marchandise : de l’affiche kitsch au possible au synopsis, on est en plein dans une sorte de comédie de science-fiction complètement cintrée. Sauf qu’ici ce n’est pas « H2G2 : le guide du voyageur galactique » puisque ledit film s’hybride avec le cinéma d’auteur comme le chérit le Bruno Dumont du très excentrique, sympathique et iconoclaste « Ma loute ». En soi, totalement absurde et décalé.
Dumont ne l’aurait pas fait, on n’y aurait pas cru. Pour vous dire la rareté de cet objet filmique non identifié. Son cinéma proche des gens de sa région du Nord et des classes sociales défavorisées est ici poussé à son paroxysme et broyé dans les canons de la science-fiction. C’est unique en son genre mais clairement clivant. Et il est fort probable que la majorité des spectateurs se demandent ce qu’est cette œuvre/chose diffusée sur les écrans. C’est un univers tellement singulier à la base qui est ici encore plus poussé dans ses retranchements en faisant intervenir une guerre interstellaire sur les villes côtières du Pas-de-Calais! On a l’impression d’avoir pris des acides devant certaines séquences tellement c’est fou (et pas toujours dans le bon sens du terme malheureusement). Dumont parvient ici à faire se côtoyer des moments d’une nullité et d’un ridicule absolus avec des idées et des moments qui confinent au génie. On ne sait pas si c’est incroyablement audacieux et révolutionnaire ou complètement débile et à côté de la plaque.
Un trait récurrent de « L’Empire » vient cependant faire pencher la balance du mauvais côté et c’est très dommage car ce film aurait pu prétendre à devenue culte pour certains cinéphiles avec le temps. Ce problème vient du rythme et du tempo. En effet, Dumont étire chaque séquence de manière extrêmement insistante ce qui a pour effet d’annihiler une tentative d’humour sur deux et de faire durer le film bien trop longtemps. Il dure presque deux heures auxquelles on aurait pu enlever une petite demi-heure et rendre le long-métrage bien plus digeste et agréable, voire presque réussi si on se plonge dans cet univers à la croisée des genres. Par exemple, les dialogues des deux clans dans l’espace (dans un langage inconnu) sont bien trop longs pour rien. Tout comme les plans de coupe sur la terre ferme, comme si le monteur s’était endormi sur la table de montage.
Au niveau du casting, c’est un entre-deux étrange. Tout le monde joue à côté de la plaque ou en surchauffe mais cela semble volontaire, rendant l’ensemble décalé et absurde. Les acteurs non professionnels de la région, comme les affectionne Dumont avec leur parler ch’ti si singulier, font face à des jeunes révélations féminines qui semblent à l’aise (Lyna Khoudri et Anamaria Vartolomei) quand Camille Cottin ne fait que passer et Luchini, fidèle du réalisateur, est en totale roue libre (un peu trop même). En revanche, il faut reconnaître des effets spéciaux magnifiques et spectaculaires avec un art design des vaisseaux et leurs décors intérieurs qui confinent au sublime. À ce niveau, on n’était pas prêt. Et de voir ces gigantesques objets volants, inspirés de l’architecture française (les cathédrales pour les bons et les châteaux pour les méchants), se poser sur les plages et la campagne des Hauts-de-France est un spectacle à la fois incroyable et jamais vu. On alterne l’excellence avec le grand n’importe quoi au sein du film mais aussi de chaque scène. Bref, « L’Empire » ose, ne cherche pas à plaire et occasionne quelques rires de comique de situation (très) décalés mais demeure bien trop spécial et hybride pour intéresser le spectateur lambda, se réservant à un public de niche ou d’initiés au cinéma de l’auteur nordiste.
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