Il y a trois ans, les frères Joel et Ethan Coen ont marqué Hollywood avec No Country For Old Men (qui allait remporter quatre Oscars), un western (post)moderne qui explorait, avec intelligence et talent, les codes d'un genre qui a longtemps été le porte-étendard du cinéma américain. Grand moment de méta-cinéma, le film s'inscrivait dans son époque, contrairement à True Grit, qui est plutôt anachronique. Il ne s'agit pas, avec ce film-ci, de déconstruire et de remonter le western, mais plutôt de s'appliquer à réaliser un remake fidèle qui pourrait bien venir d'une autre époque. C'est donc tout à fait normal et rationnel d'apprécier ce travail bien fait, mais c'est aussi relativement décevant d'y trouver si peu d'audace.
À la mort de son père, Mattie Ross, âgée de 14 ans, se rend à Fort Smith afin de rapatrier le cadavre. Avant de rentrer, elle souhaite retrouver et capturer le meurtrier, un dénommé Tom Chaney, un membre du gang de Lucky Ned Pepper, afin qu'il soit traduit devant la justice. Pour ce faire, elle engage le maréchal Rooster Cogburn, un tueur impitoyable, afin de l'aider dans sa quête. Dans le territoire indien, les deux doivent collaborer avec LaBoeuf, un Ranger venu du Texas aussi pour capturer Chaney.
Si, dans la première partie, on s'amuse autant que l'on s'étonne de l'énergie de la petite Mattie, on réalise rapidement que le récit de True Grit s'applique à faire ce que l'on attend de lui, en y ajoutant un humour toujours à propos misant sur la confrontation entre les trois acteurs principaux.
Malheureusement, le scénario n'est pas à la hauteur de leurs performances inspirées. Elle, la jeunesse, l'énergie, l'insouciance, et lui, la vieillesse, l'expérience. Leur opposition met en relief l'immense talent des comédiens qui les incarnent; Hailee Steinfeld, délicieuse d'enthousiasme et portée par une conception affirmée de la justice, aveuglée par une tâche à accomplir presque sans émotion, et Jeff Bridges, alcoolique, bourru, crépusculaire (bang! le mot), désintéressé au départ mais converti ensuite. C'est leur opposition qui fascine et émeut dans True Grit.
Mais le film n'a pas cette intelligence ironique que le XXIe siècle porte sur ce qui l'a précédé; sans que cela ne soit une erreur ou un défaut à proprement parler, cela empêche le film de s'élever au-dessus de la mêlée. True Grit ne risque pas de décevoir les amateurs de westerns, mais il ne vaut pas plus le détour qu'un autre film du même acabit. Les frères Coen ont certainement une signature qui en fait des auteurs parmi les plus appréciés des cinéastes américains; elle n'est pas omniprésente dans True Grit, qui s'avère souvent anonyme, pragmatique, au service du récit. Ce n'est pas un défaut non plus, c'est simplement qu'on aurait souhaité de l'imprévisible - le happy end est par ailleurs relativement mal adapté à ce type d'histoire.
Il manque à True Grit la poésie que l'on trouve seulement dans les premières images du film, mises en scène comme au théâtre, repoussant les limites du simple remake et sortant le film de ses conceptions réalistes. Lorsqu'il y retombe, on réalise être en face d'un film de grande qualité, mais relativement conventionnel. Un film bien exécuté, si le mot peut s'appliquer. On souhaiterait y trouver l'étincelle d'intelligence qui a tant ému dans No Country For Old Men, mais on doit se rendre à l'évidence : True Grit est bien fait, parfois inspiré, mais aussi relativement anodin.