Les chefs, la gastronomie, les restaurants ont la cote depuis maintenant quelques années auprès d'un large public. Et comme le cinéma sait tirer profit d'une tendance, l'art culinaire est un sujet de plus en plus en vogue sur grand écran aussi. Même si ici, au Québec, nous ne connaissons pas nécessairement le culte français entourant les étoiles du Guide Michelin, nous sommes tout de même en mesure de saisir le concept (de toute façon très bien détaillé dans ce film), et surtout de nous rendre compte de tout le potentiel narratif que possèdent ces dernières. L'histoire de cette femme, qui a voué sa vie entière à l'obtention de ces étoiles, et qui voit dans l'arrivée d'une famille indienne à la porte à côté une menace à son ultime triomphe, en est une particulièrement sympathique.
Dans la promotion de ce film, ce sont les noms des producteurs qu'on nous a remâchés incessamment; Steven Spielberg et Oprah Winfrey n'ont fait que donner un peu de leur argent et beaucoup de leur foi (ce qui n'est pas négligeable, par contre) dans la production. On n'accorde même pas autant de place à Helen Mirren, qui fait un travail exceptionnel dans le rôle principal. Parfois ce sont les textes, en d'autres temps, les effets spéciaux ou les paysages qui volent la vedette d'un film, mais ici ce sont les performances des acteurs qui permettent à l'oeuvre de se démarquer. En plus de Mirren, attachante dès les premiers instants, on retrouve une Charlotte Le Bon charmante, radieuse, et un Manish Dayal dont le premier rôle d'importance au cinéma lui va comme un gant. Om Puri est aussi parfait sous les traits du père indien protecteur, chamboulé entre le désir de voir réussir son fils et la peur de le perdre.
The Hundred-Foot Journey est un film attachant, sympathique, charmant, et tous ces autres mots qui insinuent un divertissement convenable, mais une réussite contestable. Le récit global est intéressant, nous avons envie de savoir ce qu'il adviendra des protagonistes, et comment le tout se terminera (même si nous nous doutons bien qu'une fin heureuse et mélancolique nous attend), mais il manque d'étoiles Michelin et de féérie à cette production pour lui permettre de se distinguer.
Le long métrage arrive à éviter la plupart des clichés ethniques. Il aurait été facile de comparer le style de vie des Indiens à celui des Français, mais c'est plutôt par la nourriture qu'on fait les distinctions et qu'on amène à faire comprendre les nombreux écarts entre les deux univers. On n'appuie pas non plus trop sur le drame afin d'amadouer outre mesure le spectateur. Les situations ne sont pas tragiques (mise à part peut-être un incendie criminel tiré par les cheveux), et c'est parfait ainsi. Le long métrage aurait par contre gagné à utiliser un ton légèrement plus humoristique. On a parfois l'impression qu'il ne faudrait qu'un pas de plus pour qu'une conjoncture amusante devienne hilarante.
Il y a eu bien pire que The Hundred-Foot Journey sur nos écrans récemment. La comédie dramatique ne possède que très peu de temps mort et touche un sujet qui plaît beaucoup au public contemporain. Un film délicieux qui mérite amplement ses trois étoiles Michelin.