Le premier acte de The Killer est probablement l'un des moments les plus « Fincheriens » de la carrière de David Fincher.
Le cinéaste nous plonge dans la routine on ne peut plus méthodique d'un tueur à gages (Michael Fassbender) attendant (très) patiemment l'arrivée de sa prochaine victime à Paris.
Tandis que le temps s'écoule lentement, ce dernier nous partage en voix hors champ ses réflexions sur son métier, disons, insolite, sa vision du monde et les multiples mantras de son autodiscipline.
La bande originale aux sonorités viscérales et rythmes organiques de Trent Reznor et Atticus Ross accompagne les plans parfaitement cadrés, exécutés et éclairés d'un Fincher au sommet de son art, créant une tension et une attente amplifiées par le regard et la psyché du protagoniste sur des scènes pourtant banales.
Puis survient le moment du contrat, et les choses ne se déroulent pas du tout comme prévu, plaçant le tueur dans une situation à laquelle il n'avait jamais été confronté auparavant.
Puis il y a le reste du film, où le protagoniste passe en mode carnage (et le mot est faible) pour venger les représailles que son entourage a dû subir à la suite de cette bévue.
Dès lors, The Killer propose le scénario le plus convenu de la carrière du réalisateur, nous proposant une énième quête de vengeance d'un tueur méthodique qui n'hésitera pas à empiler les cadavres pour se faire justice.
« John Wick sur les anxiolytiques » pourrait résumer jusqu'à un certain point l'idée générale du présent exercice.
Fincher et le scénariste Andrew Kevin Walker, qui adapte ici le roman graphique d'Alexis Nolent, ne font toutefois rien à aucun moment pour donner une image favorable du personnage, pour lequel il est impossible de développer ne serait-ce qu'une once d'empathie - si ce n'est que pour son obsession pour le répertoire du groupe The Smiths.
Apathique et dépourvu de toutes balises morales, la fin justifie toujours les moyens pour l'assassin incarné par un Michael Fassbender calme et totalement investi, son regard et sa gestuelle nous tenant à l'intérieur des pensées du personnage-titre, et ce, même lorsque sa narration ne fait pas partie de l'équation.
À certains égards, The Killer se rapproche parfois davantage du cinéma d'un Steven Soderbergh, de par sa façon de réfléchir sur les rouages, les hiérarchies et les mécanismes du monde moderne pour mieux y implanter son scénario.
The Killer offre une telle proximité avec le réel, notamment par divers placements de produits qui n'ont rien d'anodin, qu'il en rend l'exposition de la démarche de l'assassin, sa brutalité et son humour noir encore plus saisissante - pour ne pas dire anxiogène.
Dans ce récit frontal, Fincher signe d'ailleurs plusieurs séquences marquantes, dont une scène d'action particulièrement bien orchestrée et montée, et une confrontation au sommet avec la toujours impeccable Tilda Swinton, à un moment où le personnage de celle-ci se doute pertinemment bien de la suite des choses.
Sur papier, The Killer était le projet parfait pour tous les partis impliqués. Et pourtant il s'agit du long métrage de David Fincher qui risque de diviser le plus les cinéphiles depuis Alien³.
Toutes les parties impliquées s'exécutent à la hauteur de leur grand talent. Esthétiquement, le résultat est irréprochable. Mais The Killer demande néanmoins beaucoup du spectateur, malgré sa simplicité dramatique. Jamais dissimulée, l'essence du film demeure ailleurs. Mais celle-ci ne sera définitivement pas la tasse de thé de tout le monde.
The Killer est présentement à l'affiche dans les cinémas, et sera disponible sur Netflix à compter du 10 novembre prochain.