Transposer au cinéma des classiques littéraires horrifiques n'est jamais une sinécure. Après Color Out of Space qui a la tâche ingrate et impossible d'adapter du Lovecraft, c'est au tour de The Turning de se briser les dents sur le chef-d'oeuvre d'Henry James.
Il faut avouer que de nombreuses créations cinématographiques sont déjà passées par là et qu'elles ont toutes échoué lamentablement. La seule exception étant le sublime The Innocents, que Jack Clayton a mis en scène sur un scénario de Truman Capote.
Cette fois, c'est Carey W. et Chad Hayes qui s'occupent de l'écriture, rajoutant un nouvel échec à une filmographie qui comprend le douteux The Reaping et le désolant remake House of Wax. Leur récit ne fait jamais de sens, accumulant probablement ce qu'il y a de pire dans les films d'épouvante : l'abus de sursauts gratuits, d'hallucinations répétitives, de rêves frustrants et manipulateurs. Le tout sans jamais provoquer la moindre frousse.
Il y avait pourtant matière à frissonner. Une jeune gouvernante doit s'occuper de deux orphelins qui sont encore traumatisés par leur passé. Plus elle tente de leur venir en aide et plus ils résistent. Les horreurs d'antan se matérialisent à l'écran par l'entremise de fantômes... à moins que ce soit l'héroïne qui ait perdu la tête.
Une confrontation entre le fantastique et le psychologique qui n'a jamais lieu tant l'intrigue, qui se prend beaucoup trop au sérieux, s'avère explicative et démonstrative. Cela débute avec une décevante introduction sans queue ni tête et se termine lors d'une conclusion expéditive à la limite du risible. Il faudra donc repasser pour l'ambiguïté, les sous-entendus freudiens et les séquences de claustrophobie.
Comme dans le récent remake de The Grudge, une certaine tension apparaît ultimement pendant le générique final. Elle ne prend pas ici la forme d'un déboussolant plan fixe à la façon de Caché, mais d'une main qui erre inlassablement. Un début de solution à une production qui réussit l'extraordinaire exploit de rendre terne, ennuyante et interchangeable une si riche prémisse.
La cinéaste italienne Floria Sigismondi tente malgré tout de secouer cette morosité en chargeant progressivement son ambiance gothique, en relevant notamment ses parts d'ombres et en multipliant les labyrinthes réels ou imaginaires. C'est peine perdue pour cette réalisatrice qui s'active en vain, ne retrouvant pas l'énergie qui permettait à son précédent The Runaways de sortir du lot.
L'histoire se répète sur le plan de l'interprétation, alors que Mackenzie Davis ne convainc guère en gouvernante apeurée. Elle semble plus coincée que dans Terminator: Dark Fate, ce qui est loin d'être une mince affaire! Cela va déjà mieux du côté de Brooklynn Prince, l'inoubliable protagoniste de The Florida Project. Et de Finn Wolfhard, découvert dans It, qui est prêt à défendre le rôle-titre si jamais quelqu'un a la mauvaise idée de pondre un antépisode au fabuleux We Need to Talk About Kevin.
Il n'y a vraiment rien pour sortir The Turning de l'anonymat. Au lieu d'imiter son proche cousin The Others qui arrivait brillamment à déjouer les attentes avec les mêmes cartes en main, ce nouveau long métrage multiplie paresseusement les clichés, rompant définitivement avec la brillante oeuvre originale. Non, il n'y a plus rien de sacré. Steven Spielberg doit d'ailleurs être dans tous ses états, lui qui a porté ce projet à bout de bras à titre de producteur depuis tant d'années.