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Belle enchère.
Pascal Bonitzer est ce que l’on peut appeler un vieux de la veille dans le cinéma hexagonal même s’il a signé son premier film en tant que réalisateur à un âge avancé (le remarqué « Rien sur Robert » en 1998 avec Fabrice Luchini) il a arpenté les plateaux de cinéma sous d’autres chapeaux comme celui d’acteur ou de scénariste. Pas toujours convaincantes, ses œuvres ont néanmoins le mérite de la continuité dans l’analyse des rapports humains et l’écriture de ses personnages sont toujours très perspicaces et nobles. Avec « Le tableau volé », il signe d’ailleurs peut-être là son meilleur long-métrage dans une carrière pourtant bien riche. Simplement mais intelligemment et sûrement, il nous convie à une plongée dans le monde du commerce de l’art avec les salles d’enchères et les cabinets et agences spécialisées dans ce domaine. Sans rentrer dans le détail, il nous instruit avec ce microcosme singulier et élitiste, en nous montrant un bon aperçu de son fonctionnement et de ses magouilles. Mais, avant tout, il se sert de ce contexte pour croquer une mosaïque de personnages passionnants et merveilleusement écrits.
Si la toile de fond est l’art, le fond du film est surtout une nouvelle dissection des rapports humains (homme-femme, parent-enfant, ...) et des dynamiques sociales (riches-pauvres, cadres-ouvriers, ...) dans une valse délicieuse qui nous happe durant une heure et demie montre en main. Un récit qui s’avère donc parfaitement ramassé mais aussi chorégraphié. « La tableau volé » se positionne également comme une œuvre pleine de sens et d’acuité sur la société. Par petites touches et sans jamais forcer le trait, il nous dessine une demi-douzaine de personnages terriblement vrais et humains aux contours bien dessinés et aux développements parfois joyeusement étonnants. Il leur met en bouche des dialogues succulents immergés au sein de situations tantôt truculentes et amusantes, tantôt cruelles et plus amères. Des protagonistes nuancés qui animent cette valse autour d’un tableau de maître retrouvé par hasard chez un monsieur-tout-le-monde issu des classes pauvres. Jamais médisant ou déplacé, son petit choc des classes est empli de justesse. C’est un véritable régal d’écriture!
Pour que la réussite soit complète il fallait une distribution qui soit de la même trempe. Et avec le génial Alex Lutz en première ligne (dans un rôle hautain et nonchalant qui lui va comme un gant) et Léa Drucker (impériale et qu’on adore redécouvrir encore et encore depuis « Jusqu’à la garde ») il fait le choix d’un casting très à propos. Mais les seconds rôles ne sont pas en reste de la géniale Louis Chevillotte dans une prestation de mythomane rageuse qui dévoile ses atouts petit à petit est géniale tout comme Nora Hamzawi en avocate pleine de surprises et dont le naturel fait mouche. C’est le genre de film, un peu magique, dont on n’attendait pas forcément beaucoup mais qui marque des points au fur et à mesure qu’il se déflore. Alors oui, et c’est le seul petit défaut du film, la forme est quelque peu classique voire un peu terne et illustrative, mais le cinéaste se concentre sur son histoire et ses personnages et ce n’est pas dérangeant outre mesure. Toutes les petites choses qui ressortent des quiproquos, d’une phrase, d’un regard ou d’une réaction enrichissent « Le tableau volé » pour en faire un film précieux et vraiment passionnant. Un petit bijou de cinéma d’auteur, efficace et terriblement objectif en plus d’être fondu dans un cadre rare sur les écrans.
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