Le film le plus difficile à réussir est généralement le second. Le cinéaste français Xavier Legrand l'apprend à ses dépens avec la coproduction québécoise Le successeur.
Xavier Legrand avait surpris le cinéma francophone avec Jusqu'à la garde (2017), un suspense anxiogène d'une grande densité psychologique. Un premier long métrage qui a remporté le César du Meilleur film et celui du Meilleur scénario. Écrire que son prochain projet cinématographique était très attendu relève de l'euphémisme. Après un clip pour Alex Beaupain et un détour à la télévision, le voici finalement de retour au grand écran.
La superbe introduction pique rapidement la curiosité. Un défilé de haute couture prend la forme d'une spirale lancinante. Un motif qui sera récurrent tout au long du récit et qui est accompagné en entrée de bal par un immense soin visuel et sonore. C'est là qu'on fait la connaissance de notre héros (Marc-André Grondin), un directeur artistique stressé au coeur fragile qui n'a aucun autre choix que de retourner au Québec pour enterrer son père. Il est en froid avec son paternel depuis des lustres, et quelle n'est pas sa surprise de découvrir son héritage...
C'est là que le script prévisible - quelque part entre Parasite et Barbarian - commence à dérayer et que les invraisemblances abondent. La réaction du protagoniste ne fait aucun sens et l'effort s'enlise quelque part entre le thriller suffocant, le drame oedipien et la comédie noire. Le patriarcat est évidemment au coeur des préoccupations. Autant ce qui est transmis par le sang ou légué d'une autre façon, le tout étant enrobé dans les apparences et l'hypocrisie. L'ombre de Claude Chabrol plane, même si au final, le résultat flirte davantage avec le grotesque que le social, rappelant, en moins réussi, L'origine du mal de Sébastien Marnier.
Le réalisateur compense son intrigue tirée par les cheveux par une mise en scène élaborée, composée avec soin et minutie. La musique omniprésente apporte une incertitude à ce qui va suivre, alors que de nombreux plans sont assemblés savamment. C'est le cas de cette visite impromptue en forêt. Ou cette façon de transformer un sous-sol comme les autres en terrain inhospitalier.
Puis il y a la performance puissante de Marc-André Grondin, qui trouve un de ses meilleurs rôles en carrière. Constamment bousculé, son personnage n'a pas le choix d'évoluer, et si ses décisions laissent parfois à désirer, l'acteur aura rarement paru aussi hanté. Il porte le film sur ses épaules, appuyé convenablement par les Yves Jacques, Anne-Élizabeth Bossé, Louis Champagne et autres Vincent Leclerc.
Sa prestation donne de la prestance au Successeur, une oeuvre quelque peu décevante et oubliable (surtout de la part du talentueux Xavier Legand) qui, à défaut d'être riche et complexe, s'avère néanmoins divertissante à ses heures.