Les adaptations de bandes-dessinées sont récurrentes au cinéma. Parfois, on les anime et parfois on fait appel à de vrais acteurs (bon, c'est relatif, mais quand même) pour incarner au grand écran les super-héros en collants. La belle surprise qu'était Sin City il y a deux ans se transforme en mode. Copié, mais jamais égalé, le film de Robert Rodriguez, auquel Frank Miller avait participé, offrait un divertissement de qualité et une signature visuelle inimitable, même en voulant très fort. La preuve est faite, Le Spirit est prétentieux, affriolant et affreusement (et volontairement) mauvais. Je me demande bien qui a pu penser que c'était une bonne idée...
Le Spirit, un super-héros immortel, hante les rues de Central City à la recherche de son némesis, le méchant Octopus. Lorsqu'une transaction sensée donner à Octopus l'immortalité tourne mal, le Spirit doit se lancer à la recherche de Sand Saref, une de ses anciennes flammes, afin de capturer Octopus et libérer la ville de son emprise maléfique. C'est pas plus compliqué que ça, pourtant, à peu près tout le monde sur le projet, en particulier le réalisateur Frank Miller, semble avoir voulu rendre cette histoire assez simple inutilement complexe, au nom d'un soi-disant travail visuel.
Sorte de Sin City pour les pauvres, Le Spirit est artificiel au possible. Même les interprétations maniérées des comédiens, étrangement surréelles, tombe dans des excès incompréhensibles. Le succès de Sin City était directement lié à son immersion; l'humour et l'ultra-violence ne fonctionnaient que si on admettait l'étrange univers auquel on était convié à croire. Cette fois-ci, Miller, qui a décidé de faire cavalier seul, force le jeu de ses comédiens jusqu'à les rendre désagréables, en particulier Gabriel Macht, qui ne sait rien faire de bon, et rien ne peut plus sauver le film d'un échec complet. Samuel L. Jackson se paye un gros trip de truculence, on le voit bien, mais cela n'aide en rien le film, qui est en plus alourdi par une assommante narration littéraire sans grande inventivité.
Les dialogues sont d'une lourdeur anti-cinématographique désolante; on fait passer de l'information à chaque phrase, nous rappelant qui est le père, le frère ou l'ex-blonde de qui. Et puis le Spirit, avec son masque, n'est pas beaucoup mieux caché que Superman derrière ses lunettes de Clark Kent. Ne pas se prendre au sérieux, c'est une chose que ne semble pas maîtriser Miller, qui est plutôt à la recherche d'un moyen de montrer Eva Mendes nue. Et il le trouve, mes amis, il le trouve. Cela ne rend pas son interprétation haletante plus intéressante. Et malgré cela, Scarlett Johansson n'arrive pas à lui voler la vedette.
Les films audacieux, comment c'est le cas ici, ne fonctionnent que lorsque qu'ils ont une cohérence interne intraitable. Ce n'est pas le cas ici; tout est prétexte à une blague qui tombe à plat, chaque clin d'oeil est forcé, chaque plan un emprunt à Sin City. Un échec total, jamais assez palpitant pour prendre son envol mais pourtant toujours prêt à s'écraser au détour d'un raccourci trop simple, ou simplement trop désagréable.
Le Spirit est prétentieux, affriolant et affreusement (et volontairement) mauvais.
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