Notre fibre nostalgique ne peut que vibrer lorsque nous entendons les premières notes des thèmes composés par Howard Shore pour la trilogie Le seigneur des anneaux de Peter Jackson, réutilisés ici pour la première production cinématographique se déroulant au coeur de la Terre du Milieu à voir le jour en dix ans.
Puis, soudainement, Le seigneur des anneaux : La guerre des Rohirrim déploie son mélange de paysages en images de synthèse et d'animation japonaise.
Et le choc est pour le moins décontenançant au départ, alors que le réalisateur Kenji Kamiyama semble désespérément chercher le bon angle, la bonne image, la bonne séquence, pour nous convaincre de la légitimité de son projet. Un contact réussi avec son auditoire qui finit heureusement par se produire plus tôt que tard.
Nous nous retrouvons donc 183 ans avant les événements de la trilogie de J.R.R. Tolkien, au coeur du royaume du Rohan, où le jeune Wulf, fils de Freca, promet d'assouvir sa vengeance sur le roi Helm Hammerhand après que ce dernier eut tué accidentellement son père au cours d'un combat à main nu.
Le temps passe, et Hèra, la fille du souverain découvre les sinistres plans de Wulf. À la suite d'une autre trahison, Hèra guide son peuple vers une forteresse dans les montagnes. L'hiver s'annonce rude et pénible, tandis que Wulf et son armée bâtissent peu à peu le pont qui leur permettra de venir à bout de cette population désormais prise au piège, et de régner sur le territoire.
Après une entrée en matière peut-être un peu trop précipitée, La guerre des Rohirrim capitalise largement sur le temps qui lui est alloué pour mettre en place ses enjeux dramatiques, et déployer des séquences de guerre et de fuite pour le moins haletantes.
Le long métrage relève dès lors le défi non négligeable de reproduire le souffle épique et mythique et la grandeur visuelle des trois longs métrages de Peter Jackson par l'entremise du cinéma d'animation. Il n'y a que l'aspect lyrique de l'oeuvre de Tolkien qui manque un peu plus à l'appel ici - composante pour laquelle Kamiyama parvient à compenser jusqu'à un certain point par l'entremise d'une grande attention aux détails.
La guerre des Rohirrim atteint d'ailleurs des sommets vertigineux durant ses magnifiques séquences hivernales - aussi bien celles d'un calme annonçant la tempête, que celles d'attaques perpétrées par un être plus grand que nature.
C'est également durant cette longue pause marquée en l'attente de l'inévitable que le film réussit à synchroniser son rythme à celui des opus de Jackson.
Tout comme dans ceux-ci, nous nous retrouvons face à des personnages dont les qualités et les défauts sont différenciés par les valeurs qu'ils défendent et représentent. Le roi Helm et Wulf se rejoignent au niveau de l'arrogance, de l'obstination et de la confiance aveugle envers leurs propres moyens, mais pas pour les mêmes raisons. Des nuances dont le scénario se joue particulièrement bien durant la seconde moitié du récit.
Pour sa part, Hèra finit par porter plusieurs chapeaux, devenant autant un symbole d'espoir, de clairvoyance et de ténacité pour son peuple, et puisant dans son caractère aventurier la force héroïque à laquelle elle se devait d'aspirer tôt ou tard. Le tout est également livré d'une manière beaucoup plus sentie, étoffée et maniérée que ce à quoi une formule comme celle de Disney a pu nous habituer au cours des dernières années.
En fait, le principal reproche que nous pourrions adresser à La guerre des Rohirrim, c'est qu'il ne propose pas grand-chose de nouveau d'un point de vue scénaristique. On nous raconte une fois de plus l'exil forcé d'un groupe devenant prisonnier de sa propre forteresse, cerné par l'ennemi, et espérant que leurs alliés oseront se manifester avant qu'il ne soit trop tard.
Heureusement, l'équipe de scénaristes sait pertinemment quand et comment jouer les notes susceptibles de résonner le plus chez le public visé, privilégiant les actes de bravoure inspirés et inspirants, ainsi que les traditionnelles leçons et morales à retenir d'une guerre menée par pure vengeance, à une quelconque tentative de bifurquer de l'essence de la matière originale.
Si la question à savoir si une oeuvre d'une telle nature était réellement nécessaire surgira immanquablement, les artistes aux commandes auront toujours le mérite de s'être exécutés dans le plus grand des respects pour les écrits de Tolkien et la narration de Jackson.
Une rencontre fortuite entre diverses approches formelles et narratives, dont les qualités parviennent à se rejoindre et à se renforcer d'une manière que nous n'aurions pas nécessairement cru possible d'emblée.