Suzanne Clément crève l'écran dans Le rire de ma mère, une oeuvre sincère dont la lumière finit par englober l'ombre et la matière.
Depuis le succès de Laurence Anyways, Suzanne Clément a enchaîné les tournages en France. Pensons seulement à Numéro une, Le sens de la fête, La taularde et À la vie. Il est cependant ironique que son meilleur film - Les premiers, les derniers de Bouli Lanners - n'ait jamais pris l'affiche au Québec.
Dans Le rire de ma mère, elle campe un personnage magnifique. Une mère flamboyante et exubérante à la fois, dont le style vestimentaire et les perruques semblent provenir tout droit d'une création de Xavier Dolan. Elle mord dans la vie pour oublier sa maladie, ayant soif de liberté avant l'éternel repos. Une interprétation sentie et plus grande que nature, mais pas nécessairement inédite dans sa filmographie.
Elle est entourée de très bons comédiens. Son ex-mari, incarné par Pascal Demolon (omniprésent dans le cinéma français depuis le début de la présente décennie), est d'une justesse implacable, lui remettant constamment la monnaie de sa pièce. L'amoureuse de ce dernier est campée avec délicatesse par Sabrina Seyvecou qui a fait beaucoup de chemin depuis ses débuts dans Choses secrètes de Jean-Claude Brisseau. Puis il y a le fils adolescent, que porte avec candeur Igor van Dessel, et dont le récit épouse le regard.
Ces quatre pôles sont les fondements mêmes de cette production, son coeur et son âme à la fois. Le sujet au demeurant sombre et larmoyant évite le pathos d'usage grâce à un surplus d'humour, de lumière et d'humanité. Une sage décision, qui cadre parfaitement avec la personnalité solaire de son héroïne.
C'est toutefois regrettable que son désir d'émancipation ne se matérialise pas formellement à l'écran. Les réalisateurs et scénaristes Pascal Ralite et Colombe Savignac, dont il s'agit du premier long métrage, semblent plus intéressés par l'histoire, forcément personnelle, que par la mise en scène, qui l'est nettement moins. Hormis une photographie soignée et quelques flashs plus singuliers, notamment cette façon de cadrer au plus près qui rappelle le grand maître John Cassavetes, la réalisation manque de personnalité, d'entrain. Il y a même un hommage à peine voilé à Boyhood... On est très loin, dans un registre similaire, de l'électrisant La guerre est déclarée de Valérie Donzelli.
Les dialogues parfois appuyés et trop écrits, moralisateurs à leurs heures, apportent une lourdeur supplémentaire qui était loin d'être nécessaire. Surtout que les images n'y vont pas de main morte avec les symboles et les métaphores élémentaires. On y voit la protagoniste seule dans un décor isolé pour personnifier sa solitude, l'adolescent à la plage afin qu'il puisse renaître, puis son départ avec son père en laissant seule sa mère. La mort est là, dans ce plan. Sauf que les cinéastes décident d'en rajouter une couche, inutile et redondante, en montrant une scène à l'hôpital avant le trépas. C'est sans compter ces nombreux moments à l'école où les élèves tentent de monter la pièce de théâtre L'oiseau bleu de Maurice Maeterlinch et qui ne fait que répéter, encore une fois, ce qui est vécu par les personnages.
Le rire de ma mère demeure d'abord et avant tout un film d'acteurs. Tout le monde est excellent, particulièrement Suzanne Clément qui irradie de sa forte présence. L'ensemble n'est certes pas toujours à la hauteur du casting et l'émotion vient parfois à manquer, mais cet hymne à la famille et à la vie réconforte à ses heures.