Rarement un film qui a aussi bien débuté se conclut aussi mal. C'est le destin malheureux de Ben is Back qui méritait mieux.
Surtout en cette période de Noël, où les miracles sont possibles. C'est ce que souhaite une famille lorsque le fils aîné (Lucas Hedges) débarque sans prévenir à la maison. Malgré son lourd passé qui vient régulièrement le hanter, maman (Julia Roberts) fera tout pour le sauver...
Impossible de ne pas penser au déchirant Beautiful Boy, qui a pris l'affiche au cinéma il y a moins de deux mois et qui mettait en vedette Steve Carell et Timothée Chalamet. Il s'agit d'une nouvelle histoire de dépendance familiale où l'on retrouve des acteurs épatants. Lucas Hedges est un habitué de ces personnages tourmentés - rappelons-nous de Boy Erased ou Manchester by the Sea - et cela fait longtemps que Julia Roberts n'a pas trouvé un rôle aussi éclatant. Elle campe une mère saisissante, aimante et protectrice, prête à tout pour secourir la chair de sa chair. Personne ne serait surpris de la voir nommée aux Oscars.
Le duo fait le film, qui fonctionne à plein régime dans sa première partie. Bien que la mise en scène de Peter Hedges (le papa de Lucas) ne soit pas aussi élaborée que celle de son compétiteur, il s'amuse à semer des surprises, des révélations, des silences et des non-dits, développant des dialogues parfois terrifiants - l'échange entre maman et un psy glace le sang - tout en créant une tension qui va en crescendo au fil de cette journée qui deviendra de plus en plus infernale. Lorsqu'en plus l'émotion est de la partie, rien ni personne ne sera épargné.
Tout cela ne pouvait pas bien se terminer, évidemment. Ce n'était toutefois pas une raison de bousiller ce beau travail à mi-chemin. Lorsque le chien de la famille disparaît, fiston se lance à sa recherche, secondé par sa mère. Une métaphore crédible sur le plan des idées - il faut affronter son passé et cette quête vers les Enfers est pratiquement la même que celle d'Orphée - mais beaucoup moins sur le plan scénaristique.
Quelle mère accepterait de tout sacrifier et même d'hypothéquer l'avenir de ses proches (elle a d'autres enfants à s'occuper) pour un misérable chien, aussi doux et affectueux soit-il? Bien entendu, l'animal est le symbole de la rédemption. Cela n'excuse pas toutes les invraisemblances qui arrivent et qui pèsent sur le récit (rencontres fortuites, gestes incompréhensibles de personnages secondaires damnés, etc.), faisant parfois hurler de rire au lieu de provoquer les larmes escomptées.
Vouloir faire original afin de briser les conventions du genre n'est pas une mauvaise chose en soi. Il faut toutefois y parvenir, car cette excursion tardive dans le thriller parsemée d'action et de violence n'est jamais à la hauteur de tout ce qui a été développé précédemment. Soudainement, la musique devient appuyée, les sentiments exacerbés et la manipulation - des thèmes, du spectateur - peut s'exercer sournoisement. Jusqu'à une conclusion prévisible, non dénuée d'espoir, mais qui renforce cette sensation de parabole religieuse, sur fond de dévotion et de renaissance. Le prénom de la mère n'est-il pas justement Holly, qui signifie Sainte? Pour la subtilité, on repassera.
En sabordant volontairement tout ce qu'il a semé jusque-là, Ben is Back s'empêche d'être le long métrage puissant qu'il aurait dû être. Les immenses drames de Noël ne manquent pas - comme Fanny & Alexandre et Un conte de Noël où la famille permet de sauver ou d'éloigner les siens - et c'est dommage que celui-ci n'en fasse pas partie.