Il est rare de voir un film qui s'approche à ce point de la perfection; un scénario sans accroc, une admirable distribution, une réalisation dramatique et émouvante ainsi qu'une trame sonore d'une efficacité transcendante. Le réseau social est une oeuvre à part, le reflet d'une génération informatisée, automatisée, mais, surtout, pionnière d'un nouveau type de communication, d'une mentalité nouvelle. Les nouveaux génies de notre siècle ne sont plus reclus dans un laboratoire, ils le sont plutôt dans leur chambre de résidence d'une prestigieuse université devant leur ordinateur portable. Ils sont ces inconnus qui conçoivent les rouages - qui deviennent rapidement - essentiels à la communication et/ou au progrès. Malgré la dramatisation de l'histoire réelle, le film sur les créateurs de Facebook a la faculté de nous faire mieux comprendre les étapes de conception d'une telle institution tout en amenant une piste de réflexion intéressante sur l'avenir de la technologie et sur ses concepteurs.
Pour se venger de sa petite amie qui vient tout juste de le laisser, Mark Zuckerberg invente un programme qui permet de déterminer qui est la plus belle fille entre deux spécimens de différentes facultés de l'université. À la vue de ce succès incontestable qui a fait tomber le réseau de l'université, les jumeaux Winklevoss proposent à Zuckerberg de faire un site de rencontre pour les étudiants d'Harvard. Ce projet lui donne l'idée de créer un site internet qui permettrait aux étudiants universitaires de remplir une fiche avec leur description, d'échanger des photos, des commentaires, etc. Ils bossent donc sur cette invention en précisant aux jumeaux Winklevoss qu'il a trop de travaux scolaires pour trimer sur leur projet. Lorsque le site « The Facebook » fait son apparition sur le web, c'est un succès instantané, mais les jumeaux reprochent à Zuckerberg de leur avoir volé leur ébauche.
Le scénario d'Aaron Sorkin est d'une précision (plusieurs dialogues ne sont compréhensibles que par une élite de programmeurs informatique) et d'une qualité contextuelle incroyables. Malgré son asocialité et son impassibilité (parfois déconcertante), on a affublé à Mark Zuckerberg une répartie et un esprit méthodique qui le rendent attachant. Après avoir vu la performance éloquente de Jesse Eisenberg, on n'aurait pu imaginer meilleur interprète que ce jeune homme au regard ingénu. Il en va de même pour Justin Timberlake qui fait preuve d'une grande compétence dans le rôle du créateur de Napster, Sean Parker.
Comme à son habitude, David Fincher réalise le long métrage avec une ingéniosité artistique et une habilité technique impeccables. Les images, souvent léchées et intrusives, nous donnent une perspective éclairée sur la création d'un outil communicationnel utilisé par tous (ou presque) quotidiennement et son impact important dans le monde entier. La trame sonore, supervisée principalement par Trent Reznor, le membre-fondateur de Nine Inch Nails, nous transporte avec désinvolture dans cet univers de surdoués sans jamais gêner la narration. Une qualité inestimable dans une production aux objectifs biographiques telles que celle-ci.
La perfection n'existe pas dans ce monde mais l'excellence, oui. Principalement pour la justesse et la perspicacité de ses textes ainsi que pour le jeu saississant de ses acteurs, Le réseau social est, sans doute possible, l'un des meilleurs films de l'année toutes catégories confondues.