Une nouvelle mutation a fait son apparition sur la planète bleue, changeant progressivement tous les êtres humains qui en sont atteints en anmiaux. De l'oiseau au caméléon, en passant par le chien, le serpent et la pieuvre, les possibles transformations n'ont visiblement aucune limite.
La femme de François (Romain Duris) étant atteinte de cette étrange condition, ce dernier décide de tout quitter avec son fils Émile (Paul Kircher) pour s'installer à proximité du centre où elle doit être transférée pour avoir accès à de meilleures conditions de vie.
Mais lorsque le convoi transportant la femme est impliqué dans un accident de la route, le duo père-fils entame des recherches au coeur de la forêt dans l'espoir de la retrouver saine et sauve.
Le tout tandis qu'Émile doit lui aussi composer avec l'apparition de certains changements corporels.
Le second long métrage de Thomas Cailley a définitivement les moyens de ses ambitions, qui dévie des intentions d'ordre plus spectaculaire venant habituellement avec ce genre de prémisse pour mettre de l'avant une approche beaucoup plus sensible et lyrique.
Le réalisateur français plante habilement son récit fantaisiste au coeur d'une réalité tangible et concrète, avec ses routines, son rythme de vie, ses manifestations de peur comme de soutien et de sympathie, face à un phénomène venant avec autant de points d'interrogation que de défis sociaux.
Malmenée depuis beaucoup trop longtemps, la nature semble vouloir prendre les grands moyens pour ramener l'Homme à l'état sauvage, quitte à lui faire complètement perdre son humanité pour y parvenir.
Évidemment, difficile de percevoir un quelconque sens dans les changements qui s'opèrent autour de nous lorsque nous avons le nez collé sur ces derniers.
Cailley frappe aussi fort en employant le phénomène qu'il met en scène pour mélanger une multitude de genres, de réflexions et de trames narratives, allant de la fable écologique au drame familial, en passant par le récit d'un passage vers l'âge adulte.
Surtout, Le règne animal fonctionne sur le plan de la forme comme du fond, car le cinéaste utilise ses deux principaux personnages comme point d'ancrage pour tous ces éléments qui n'ont pas nécessairement l'habitude de se mêler et de s'alimenter les uns les autres.
Dans la peau d'un jeune homme apprivoisant lentement mais sûrement sa nouvelle nature, Paul Kircher offre une performance sublime, entre fragilité, désarroi et empathie, voyant d'un tout autre oeil ceux dont il devient peu à peu un semblable.
Romain Duris incarne pour sa part toute la bienveillance du monde en tant que mari cherchant à tout prix à prendre soin de son épouse, et en tant que père prêt à tout pour protéger sa progéniture face aux éléments les plus hostiles de leur univers. Le tout en étant bien conscient de ce qui l'attend inévitablement au bout du chemin.
Derrière la caméra, Thomas Cailley situe parfaitement ses élans entre le réalisme de ses enjeux dramatiques et le caractère insolite des événements qui les ont déclenchés. Il est plus qu'évident que le principal intéressé voulait en faire beaucoup, mais jamais trop, et ce, même si le long métrage aurait gagné à être resserré davantage à quelques endroits.
Sur le plan esthétique, Le règne animal s'impose de par ses maquillages et ses trucages particulièrement réussis, mais aussi les moments de grâce qu'ils inspirent et accompagnent.
Cailley semble d'ailleurs toujours avoir une bonne idée de mise en scène dans sa poche, aussi simple puisse-t-elle être, pour rehausser une séquence, modifier le point de vue du spectateur, et renouveler sa fascination envers le récit.
Il en ressort une oeuvre ambitieuse, touchante et visuellement magnifique, dont les aspirations artistiques et formelles nourrissent constamment le discours, et vice versa.