Les drames judiciaires constituent les meilleurs films français de la dernière année. Après les extraordinaires Saint Omer d'Alice Diop et Anatomie d'une chute de Justine Triet, c'est au tour du tout aussi fascinant Le procès Goldman de Cédric Kahn de prendre l'affiche.
Ce long métrage s'inspire d'une incroyable histoire vraie : celle du second procès en France, en 1976, de Pierre Goldman, un populaire militant d'extrême gauche accusé de quatre vols, dont un ayant entraîné la mort de deux personnes. Si le demi-frère de l'auteur-compositeur-interprète Jean-Jacques Goldman n'a jamais nié son implication dans les braquages, il rejette formellement toutes accusations d'homicides.
Ce qui frappe d'emblée, c'est la maîtrise de cette superbe proposition cinématographique. Pratiquement toute la production se déroule entre les quatre murs de la cour. Un huis clos intense où les mots, les échanges et les déclarations à l'emporte-pièce mènent le bal. Pourtant, on ne s'y ennuie pas une seule seconde tant le rythme s'avère parfaitement au point. Le suspense s'installe rapidement, et il y a de l'humour pour faire respirer le spectateur, qui est assis dans le siège des jurés. Un tour de force qui n'est pas sans rappeler le classique 12 Angry Men de Sidney Lumet, bien que quelques longueurs et certaines répétitions l'empêchent d'accéder au même statut.
Le fascinant scénario concocté par Cédric Kahn et Nathalie Hertzberg utilise le passé pour parler du présent. Le désir des hautes instances politiques de discréditer les parties de gauche n'est pas né d'hier, tout comme les dérives policières. Parfois rocambolesque et toujours d'une rare intelligence, le script traite également des répercussions de la guerre et du racisme ambiant, tout en rappelant les limites de la justice avec tous ces témoignages qui s'étiolent lors des contre-interrogatoires.
L'ambiguïté demeure à l'honneur et rien n'est noir ou blanc dans ce drame de chambre enlevant. Pierre Goldman se révèle insaisissable et il est capable d'attirer la sympathie de l'auditoire. Puis, soudainement, sans crier gare, l'incontrôlable icône de la gauche intellectuelle use de provocation avec sa grande gueule, suscitant l'indignation. Un véritable personnage de cinéma interprété avec conviction et verve par Arieh Worthalter (le père dans le magnifique Girl de Lukas Dhont), qui module à la fois ses intonations et son corps tout entier.
Tous les comédiens, au demeurant peu connus, livrent des prestations impeccables. C'est le cas d'Arthur Harari, étonnant en avocat principal de la défense, lui qui s'est fait un nom comme réalisateur (sur Onoda, 10 000 nuits dans la jungle et Diamant noir) et scénariste (notamment d'Anatomie d'une chute). Les cinéphiles retrouveront Jerzy Radziwilowicz en père de l'accusé. Un immense acteur qui sera éternellement associés aux chef-d'oeuvres d'Andrzej Wajda, comme L'homme de marbre et L'homme de fer.
Figure incontournable du cinéma français depuis la sortie de L'ennui en 1998, Cédric Kahn mène une carrière plus qu'enviable, alternant les efforts de grande qualité - tels Feux rouges et La prière - et ceux plus oubliables. Avec Le procès Goldman, il signe son meilleur film en carrière, son plus captivant et son plus important, plongeant au coeur même de la complexité d'un homme et de la société. Le résultat final ne manque pas d'impressionner.