**** Vu au Festival du Film de Toronto 2018
On s'attend d'une oeuvre biographique qu'elle relate dûment la vie de la personne concernée, mais on espère également qu'elle nous transporte, nous inspire et nous fasse revivre avec émotion les évènements marquants de la période dépeinte. Le premier pas sur la lune par l'astronaute Neil Armstrong est un moment historique important. On s'imagine qu'un long métrage sur sa vie miserait sur cet épisode significatif, mais Damien Chazelle a choisi une approche plus humble et contenue. Il ne table pas sur les éléments spectaculaires de la carrière de l'astronaute, mais plutôt sur son quotidien et les circonstances, exceptionnelles ou pas, qui l'ont amené à devenir le premier homme sur la lune.
La volonté empreinte de modestie et de pudeur de Chazelle est peut-être noble et s'accorde parfaitement au personnage froid qu'était Armstrong, mais elle nuit pourtant grandement à l'appréciation globale de l'oeuvre. Sans être sensationnaliste ou mélodramatique, le réalisateur aurait pu rendre son film plus chaleureux et empoignant. Même lorsque le protagoniste pose le premier pied sur la lune (dans les 15 dernières minutes du film), on ne peut s'empêcher de se sentir détaché des évènements, pourtant majeurs dans l'histoire de l'humanité. À l'image de l'homme, ces moments historiques sont présentés au public avec beaucoup de retenue et une pointe d'austérité.
Ryan Gosling brosse un portrait crédible de Neil Armstrong. Ni l'acteur ni le réalisateur n'ont travesti le caractère cartésien de l'homme pour le rendre plus aimable à l'écran. Nul doute que l'astronaute avait une personnalité rigide comme celle dépeinte dans le film de Chazelle. La vie de famille d'Armstrong nous est également présentée comme conflictuelle et tendue. Voir son fils d'à peine 10 ans lui serrer la main plutôt que de lui faire une dernière accolade avant de le voir quitter la Terre pour une mission périlleuse en dit long sur le personnage.
Le long métrage s'intéresse également aux rouages du métier d'astronaute et aux sacrifices majeurs que ces hommes ont dû faire pour accomplir leur mission spatiale. Beaucoup y ont laissé leur vie; voilà un pan de l'histoire sur lequel, d'ordinaire, on s'attarde peu dans des films commerciaux comme celui-ci. On aime aussi le fait que le drame ne reflète pas un patriotisme accablant comme on aurait pu s'y attendre. Les Américains ont tendance à marquer au fer rouge (ou au drapeau rouge, blanc et bleu) les exploits dont ils sont responsables, jusqu'à même prendre la responsabilité pour certains dont ils ne sont même pas garants. Ici, on ne nous étouffe pas d'un chauvinisme arrogant comme par le passé. C'est le métier d'astronaute et la conquête de l'espace qui sont mis de l'avant.
First Man souffre de son ton monocorde, mais il reste instructif et visuellement fort intéressant. Ce n'est pas le film typique du « rêve américain » et on apprécie toujours une proposition plus audacieuse, mais on aurait aimé que ce pan de l'histoire - et la vie de son héros - nous soit dépeint avec plus de « rêve ».