Il n'y a probablement pas un film plus brûlant d'actualité que The Post. À une époque où la presse est malmenée par tout un chacun, Steven Spielberg cherche à redorer son blason.
Comme toujours dans ses longs métrages « sérieux », le plus naïf des cinéastes états-uniens s'inspire de la réalité : celle des Pentagon Papers où des journalistes du New York Times puis du Washington Post se sont battus au début des années 70 pour publier une enquête exhaustive basée sur la fuite de renseignements confidentiels entourant l'implication démesurée des États-Unis au Vietnam pendant plusieurs décennies. Une histoire vraie qui a déjà donné par le passé un oubliable téléfilm et le potable documentaire The Most Dangerous Man in America.
Il y a des thèmes extrêmement intéressants dans cette oeuvre sincère. Enfin un récit qui reconnaît la nécessité du journalisme de qualité dans une démocratie saine, de son indépendance économique et politique face à une censure de plus en plus insidieuse. Surtout qu'on rajoute à cela le destin d'une femme qui doit trouver sa place dans un monde d'hommes et un pays ébranlé par la perte de repères. Impossible de ne pas dresser de liens envers l'Amérique du 21e siècle, celle où W. Bush a menti à la population sur l'Irak et celle de Trump qui brandit le spectre du fake news à chaque instant.
Une riche matière première qui est toutefois intégrée trop souvent au récit comme un cahier de charges, le cinéaste pouvant cocher les endroits où il les aborde à l'aide de discours oscarisables. Le scénario presque aussi verbeux que celui de Lincoln a beau être savamment vulgarisé, l'ensemble s'avère par moments un peu trop lisse et simpliste.
La mise en scène ronronne au quart de tour, étonnant par sa riche recréation historique et sa photographie soignée. Après une première partie plus ou moins trépidante, la tension commence à monter et la réalisation offre ses plans les plus réussis. En filmant pratiquement la presse prendre vie (la machine avec l'encre et le papier), l'image ne fait qu'un avec son sujet.
L'interprétation d'ensemble s'avère également très satisfaisante. Meryl Streep y est beaucoup plus sobre que d'habitude, Tom Hanks parfaitement dans son élément et le toujours excellent Bruce Greenwood campe un Robert McNamara manipulateur au possible (pour en savoir davantage sur cette fascinante figure du 20e siècle, l'immense documentaire The Fog of War d'Errol Morris est un must).
C'est surprenant qu'avec autant de talent devant et derrière la caméra, The Post ne soit pas plus mémorable. S'il s'agit d'un bon film, il n'a rien de majeur pour autant. Le traitement demeure prévisible, consensuel et terriblement classique, alors que Spielberg trouve encore le moyen de saboter sa conclusion en la rendant imbuvable et pompeuse. Eh oui, comme dans Bridge of Spies, Minority Report et compagnie. Au moins, le plan final offre le clin d'oeil idéal au mythique All the President's Men, la plus grande fresque cinématographique sur le quatrième pouvoir.
Bien qu'imparfait, tout ce qu'aborde ce long métrage est primordial et seulement pour ça, l'effort mérite le détour. Qui sait, cela donnera peut-être le goût de découvrir des productions encore plus abouties sur le journalisme, que ce soit Spotlight, Citizenfour et Good Night... and Good Luck. Et surtout s'intéresser au sort de l'information libre qui est de plus en plus bafouée et malmenée, alors qu'elle est une nécessité à toute civilisation qui se respecte.