Le petit Nicolas, ce personnage inventé par Goscinny dans les années 60, fait partie intégrante de la culture française. Il est gaffeur, charmant, malicieux et pourtant complètement étranger (et insignifiant) aux yeux des Québécois. Si plus de cinq millions de Français se sont pressés aux portes des cinémas pour voir cette comédie, les Québécois resteront probablement indifférents face aux cabrioles de Nicolas. Et détrompez-vous, ce n'est guère de l'inefficacité du long métrage dont il est question ou de l'incompétence du réalisateur, mais plutôt du conflit didactique entre nos deux nations. Laurent Tirard exploite un type d'humour s'orientant davantage vers la balourdise, vers des inepties plus physiques que scénaristiques, chose à laquelle le peuple québécois semble avoir été moins confronté (davantage familier aux « stand-up » à l'américaine ou aux monologues d'un Marc Favreau, alias Sol, ou d'un Yvon Deschamps par exemple).
Comme à toute bonne règle, il y a irrémédiablement des exceptions, on pense entre autres à la comédie Le dîner de cons qui fut accueillie ici comme en France de grande façon. Et certes, de nombreux Québécois seront en désaccord avec mes arguments plutôt subjectifs, mais, même si on parle la même langue (c'est encore relatif), un monde de pédagogie contradictoire nous oppose, et Le petit Nicolas peut être mal reçu par un Canadiens français simplement parce qu'il ne s'adresse pas à ce dernier en premier.
Nicolas, un petit garçon gaffeur et curieux, mène une vie paisible jusqu'à ce qu'il apprenne qu'il est sur le point d'avoir un petit frère. Croyant que le nouveau-né pourrait ruiner son existence si parfaite, il organise une brigade spéciale avec ses copains de l'école dans le but d'amasser assez d'argent pour engager Francis Leborgne, un truand en cavale, capable de kidnapper son cadet.
Maxime Godart donne une performance authentique et juste pour sa première expérience au grand écran. Il nous révèle rapidement les traits caractéristiques de Nicolas, son audace, sa naïveté et son espièglerie. Les jeunes acteurs qui l'accompagnent à l'écran sont également très doués. Damien Ferdel, qui incarne Agnan, le premier de classe, et Victor Carles, dans le rôle de Clotaire, sont particulièrement efficaces et reflètent adroitement l'univers candide de Nicolas. Valérie Lemercier et Kad Merad, qui interprètent les parents du héros, sont (malgré toute la « caricature » qui entoure leurs personnages) drôlement compétents.
Quelques séquences, particulièrement efficaces - comme l'apparition de Gérard Jugnot ou diverses anecdotes subtiles relative à l'enfance -, confirment la qualité scénaristique de l'oeuvre. L'humour, bien que, comme précisé plus tôt, est davantage physique, reste tout de même - dans son créneau - efficient et bien amené. Les couleurs franches de l'image et sa texture charnue permettent au spectateur de comprendre le monde que le réalisateur a emprunté au bédéiste. Les costumes et les accessoires représentant la France des années 60 sont très prêts des dessins de Sempé tout en conservant un aspect historique utile à l'intelligibilité du récit.
Le petit Nicolas est un film bien réalisé, bien scénarisé et rempli d'adroites performances, mais il s'adresse à une société déjà consciente de l'univers du petit Nicolas et façonnée à cet humour de situations particulier. Bref, le long métrage est une preuve concrète qu'une oeuvre compétente peut être mal perçue par un public aux moeurs divergentes de celles de leurs créateurs...et je fais irrémédiablement partie de ce dénombrement de profanes.
Le petit Nicolas est un film bien réalisé, bien scénarisé et rempli d'adroites performances, mais il s'adresse à une société déjà consciente de l'univers du petit Nicolas et façonnée à cet humour de situations particulier. Bref, le long métrage est une preuve concrète qu'une oeuvre compétente peut être mal perçue par un public aux moeurs divergentes de celles de leurs créateurs.