Tout était présent pour faire du Nid un excellent film de genre québécois, dans la lignée des Affamés. Quelque chose s'est cependant déréglé en cours de route...
Qui n'a jamais eu le goût de s'isoler du reste du monde pour finalement terminer ce grand projet qui tarde à se concrétiser dans la vie de tous les jours? C'est ce que décide d'entreprendre Pierre-Luc (Pierre-Luc Brillant) en s'enfermant dans un sous-sol à l'écart du monde. Ainsi, il sera plus concentré sur son travail... et à sauver son couple. En effet, son amoureuse Isabelle (Isabelle Blais), par le biais de capsules vidéo, lui propose de participer à un drôle de jeu de vérité, où il devra s'exprimer en réalisant des courts métrages.
Le nid est une oeuvre méta à bien des égards. Il s'agit tout d'abord d'une thérapie sur un couple, dont les personnages portent le même nom que les acteurs. La fiction se heurte ainsi au documentaire, brouillant cette notion de vrai et de faux. Cela s'accentue davantage alors qu'on se retrouve avec un héros passionné de cinéma qui doit mettre en scène et monter des petits films. Non seulement ça permet d'explorer différents genres cinématographiques, mais leur imbrication dans la trame narrative principale rend encore plus flous les éléments romancés et «réels». Alors si en plus on vient rajouter des séances de rêve, de beuverie et des souvenirs, on n'est pas sorti du bois.
Il est facile de s'amuser avec tout ça. Surtout que le talentueux cinéaste David Paradis, qui signe ici son premier long métrage de fiction, tâte à la fois le drame psychologique et l'humour absurde, le thriller tenant en haleine et l'horreur qui fait sursauter. On prend son pied pendant 20 minutes, ce qui est déjà pas mal.
Sauf qu'il reste encore une heure au récit. En dehors de toutes ces savoureuses mises en abyme, on se retrouve avec un scénario lourd et laborieux. L'exercice du huis clos est un art en soi et il n'est pas rare de trouver le temps long tant il y a des lenteurs et des répétitions. Surtout que l'ensemble s'avère assez prévisible lorsqu'on devine sa structure organique. Quant à la finale, aussi émouvante soit-elle, difficile de ne pas l'avoir vue venir à des kilomètres à la ronde.
Pierre-Luc Brillant s'acquitte néanmoins de la tâche avec conviction, bien qu'il puisse verser ici et là dans la caricature. Ses réactions face à ce qui arrive sont crédibles, faisant presque croire aux illogismes qui se dressent devant lui. Tout comme dans Les invasions barbares, Isabelle Blais apparaît à l'écran par l'intermédiaire de caméras d'ordinateur. Sans être aussi inoubliable que dans Tadoussac, sa prestation fait bien ressortir l'isolement des âmes en place, leur profonde solitude.
Puis il y a ce nid, ce sous-sol lugubre et sinistre à souhait, qui est un véritable personnage à part entière. Ses recoins sombres et tortueux semblent émaner de Shining avec ses multiples labyrinthes. Évidemment, quiconque a vu les classiques de David Lynch notera qu'il s'agit en fait d'une représentation de la psyché du protagoniste, une respiration métaphysique dont le souffle englobe ses tenants et aboutissants. S'y perdre est le plus grand plaisir qu'offre ce film... mais également une limite vite contraignante.
Présenté au Festival de Fantasia où il a reçu le prix du meilleur long métrage canadien, Le nid possède un immense potentiel entre les mains, sans toutefois trouver la meilleure façon de le matérialiser. On parlera alors d'une curiosité, ambitieuse et frustrante tout à la fois, qui peut flirter avec le Antichrist de Lars von Trier, violence infernale en moins.